Lila Downs : Métisse sur mer
Musique

Lila Downs : Métisse sur mer

La chanteuse mexicaine Lila Downs appartient à ce groupe d’artistes qui n’hésitent pas à affirmer avec fierté leur appartenance culturelle en révélant les traditions musicales de leur communauté et en les exposant à la modernité. La jeune femme de 34 ans a déjà produit trois disques remarquables, dont Tree of Life et Border, et le prochain, Bodo Sangre, paraîtra le 28 juin. Fille d’un cinéaste américain et d’une chanteuse espagnole d’origine amérindienne, elle a grandi dans l’État d’Oaxaca, qui occupe une grande place dans ses chansons: "C’est situé sur la côte ouest du Pacifique. Il y a des plages, mais surtout de hautes montagnes avec de grands pins, où vivent plusieurs communautés indiennes." Le répertoire de Lila Downs est constitué à la fois de compositions et de pièces traditionnelles, tantôt chantées en espagnol, tantôt dans des langues comme le zapotèque: "Cette langue est formée de très beaux mots qui expriment l’amour et la vie, différentes façons de regarder la nature avec respect. J’interprète ces images avec un sentiment de fierté pour ma communauté." Plusieurs des chansons dans ces langues amérindiennes reprennent de puissants mythes, comme Nine Wind, la manifestation mixtèque du serpent à plumes à l’origine de la création du monde: "Ces images, véhiculées de façon orale par les femmes, sont encore très présentes aujourd’hui." Et ces mythes, le plus souvent, font valoir l’importance de la nature pour les populations amérindiennes. C’est ce dont parle Tree, Black Mountain: "Le poème décrit une sorte de chaîne biologique. La vie des animaux repose entre les mains des montagnes majestueuses."

Les femmes occupent une place centrale dans les préoccupations de Lila Downs. Le propos principal de Border est celui de la migration des femmes mexicaines vers les USA: "Les femmes émigrent aux USA à la recherche de travail, et tout ce qu’on leur offre, c’est de travailler dans des champs ou dans des restaurants." Aussi, des images de femmes comme Frida Kahlo et Mother Jones prennent-elles une valeur importante dans son œuvre: "Quand j’ai entendu de Frida pour la première fois, je travaillais dans le tissage. C’était si merveilleux qu’une femme puise des éléments d’Oaxaca et qu’elle les mélange avec des éléments européens. Quant à Mother Jones, elle représente une icône pour moi. Elle a perdu sa famille dans un feu. Elle a sacrifié sa vie pour permettre aux femmes d’être plus fortes." Sur le prochain disque, Bodo Sangre, Downs poursuit avec force cette idée de la vitalité de la femme: "Quand les femmes mettent un enfant au monde et qu’elles saignent, ce sang, il vient de la terre, et il retourne à la terre."

Au plan musical, l’œuvre de Lila Downs fait le pont entre la tradition et la modernité. Sur Tree of Life, plus dépouillé, elle avait fait appel au grand guitariste péruvien Angel Chacon. De façon générale, elle recourt à une variété d’instruments traditionnels: "Je veux refléter la région d’où je viens, qui est très rurale; j’utilise donc toutes sortes d’instruments de percussion précolombiens, des flûtes." Paul Cohen (saxophone, claviers) apporte aux chansons un côté harmonique plus étoffé. Sur le dernier disque, Bodo Sangre, l’accent est plus électrique, Downs met en lumière la parenté qui unit les musiques africaines, cubaines et mexicaines: "Paul Cohen et moi adorons Fela Kuti, la musique de la Côte-Ouest de l’Afrique."

La démarche de Lila Downs s’apparente à celle de la grande chanteuse péruvienne Susana Baca, certaines sonorités peuvent rappeler Reuben Blades et Los Lobos. À ne pas manquer!

Le 5 juillet
Au Club Soda

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