Tierney Sutton : Improvisation simple
L’histoire du jazz vocal constitue une aventure palpitante à part entière. À travers son évolution, il est possible de suivre l’apparition de tous les grands styles de l’histoire générale du jazz. La voix a d’abord donné une inflexion vocale caractéristique aux instruments à vent et à tous les instruments utilisés, puis ceux-ci ont pris leur revanche en conférant une dimension instrumentale à la voix.
Tierney Sutton, en à peine dix ans de métier, et cinq disques, s’est élevée au rang des plus grandes interprètes de sa génération. Avec son deuxième disque, Unsung Heroes, la chanteuse s’est attaquée de façon audacieuse à des standards de jazz qui ne sont habituellement joués que de façon instrumentale: "Mes influences viennent d’instrumentalistes comme Miles Davis, Chet Baker, John Coltrane, Cannonball Adderley. J’aime le timbre des cuivres, des souffleurs. Ma façon de pratiquer a longtemps été d’apprendre à maîtriser la mélodie de pièces comme Donna Lee, de Charlie Parker, ou Speak No Evil, de Wayne Shorter."
Depuis ses débuts, Tierney Sutton travaille de façon très étroite avec le même trio: Christian Jaco (piano), Trey Henry (contrebasse) et Ray Brinker (batterie). Le troisième disque du groupe, Blue in Green, consacré au répertoire du grand pianiste Bill Evans, a suscité un vif intérêt de la part de la critique: "Chacun des membres du quartette voue une profonde vénération à l’endroit de Bill Evans. Nous avons abordé les pièces avec une attitude spirituelle." Le résultat est saisissant. La voix de Sutton vient vous chercher au plus profond de votre âme.
Dans Blue in Green, le timbre et le phrasé s’apparentent à ceux de Miles ou de Paolo Fresu. "Il ne s’agit pas de chanter cool comme dans les années 50, mais de traduire l’impressionnisme et la couleur modale propres à l’univers d’Evans."
Pour son quatrième disque, Something Cool, Sutton propose quelques pièces plus familières comme Route 66, Comes Love, Walkin’ After Midnight, Crazy (toutes deux popularisées par Patsy Cline), mais toujours avec cette approche instrumentale. Le dernier disque de la chanteuse, Dancing in the Dark, consacré à l’œuvre de Frank Sinatra, va chercher toute la reconnaissance de la critique. "Au départ, je ne l’aimais pas tant que ça! Vous devez découvrir certains de ses disques de la fin des années 50. C’est extrêmement riche aux plans mélodique et harmonique. Il interprète les grandes ballades en laissant son ego de côté. Des pièces comme Only the Lonely ou Last Night When We Were Young.
Tierney Sutton vient de se hisser au rang des plus grandes interprètes de standards, au même titre que RenéMarie, Dianne Reeves, Dee Dee Bridgewater, Carmen Lundy. Sa façon d’improviser ressemble à celle de chanteurs comme Andy Bey, Marc Murphy et surtout Kurt Elling. La vogue récente du lounge ou de l’utilisation de chansons pop est bien, mais si vous êtes puriste, Sutton est pour vous. Si le mot perfection existait en jazz vocal, elle s’en approcherait: superbe intonation, sens aigu du rythme, facilité à improviser avec ou sans texte. Si vous ne deviez aller découvrir et entendre qu’une chanteuse de jazz, dans quelque créneau horaire que ce soit, allez-y avec Sutton!
Le 6 juillet
Au Club Soda
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