Antoine Gratton : Antoine, l’enchanteur
Quand ANTOINE GRATTON est arrivé sur la scène musicale, on lui prédisait une carrière underground ponctuée de quelques spectacles ici et là, sans plus. Mais le premier opus du multi-instrumentiste a fait boule de neige dans la métropole et sur toutes les radios de la province. Enchantement.
Dirigeant mon entretien avec Antoine Gratton vers son premier opus et l’année extraordinaire qu’il venait de passer, j’ai été prise de court par sa réponse: "Je me sens prêt à faire autre chose, me dit-il tout de go. Ça fait longtemps que je traîne les mêmes tounes et je suis tanné, c’est le temps de passer à autre chose. Je travaille présentement sur le prochain album, je m’en vais en studio au mois de juillet et si tout va bien, il paraîtra à l’automne." Sur son premier album, Montréal Motel, le jeune auteur-compositeur-interprète propose une musique funky-groovy américaine à la Wonder, genre peu exploité par les artistes de sa génération. Il y joue de tous les instruments, que ce soit le piano, la basse, la guitare sèche ou électrique. Il y va même de quelques pas de claquettes en guise de percussion. Un ami ayant envoyé un démo à son insu à une compagnie de disques, c’est dans l’ignorance totale qu’Antoine a un jour répondu au téléphone à son futur employeur. "Ça fait Cendrillon pas mal. Je suis arrivé dans l’industrie good old fashion way, pas de concours, pas de coupons à l’arrière d’une boîte de céréales, rien de la sorte. J’imagine que ça n’arrive plus souvent au Québec. Je suis content d’être arrivé de cette façon-là", explique-t-il avec un sourire franc, ses cheveux attachés à la nuque, vêtu de ses bretelles fétiches. Ayant trouvé sa première expérience studio décevante, Antoine Gratton a décidé cette fois de réaliser son deuxième album en s’accompagnant de musiciens. Le premier band qui l’avait suivi en tournée s’étant dissipé, c’est un nouveau groupe qui l’accompagnera en studio. "Je cherche d’abord et avant tout du monde qui aime la musique. Pas de ceux qui regardent leur montre comme si c’était n’importe quel job. C’est de la musique que tu fais, tu t’en vas pas nettoyer des toilettes. C’est de l’art, c’est le fun, faut triper, faut aimer ça", raconte le passionné, qui fut d’abord musicien pour de nombreuses formations. C’est dans cette optique qu’il a choisi de s’entourer d’une personne comme Éloi Painchaud, qui mange de la musique autant que lui et qui l’a invité pour ce faire dans son chalet-studio niché dans les Laurentides. Des collaborations teinteront également son prochain opus, dont une avec la chanteuse jazz Coral Egan – fille de Karen Young – et une autre avec Dobacaracol, un duo world montréalais. "Il y a comme une espèce de syndrome du deuxième album… J’ai décidé d’essayer de faire quelque chose de complètement différent pour éviter le plus possible les comparaisons avec le premier. C’est pas de dire que c’est mieux que le précédent, mais c’est complètement différent… Le trip funk Stevie Wonder, ç’a été fait, là, on va chercher d’autres styles de musique."
Le sort en est jeté
Il s’apprête d’ailleurs à aller présenter à sa compagnie de disques ses nouvelles pièces, qui sont dessinées selon un concept qui raconte une histoire du début à la fin de l’album. "Pour les meilleures pièces que j’ai écrites, la musique et les paroles sont arrivées en même temps, les deux pôles se servant à parts égales, l’une n’étant pas plus forte que l’autre. C’est ça, pour moi, l’art d’écrire une chanson; c’est de faire en sorte que le texte s’adapte à la musique, qu’il la ferme, d’un côté rythmique et mélodique… Mais cette osmose n’arrive que très rarement", constate celui qui caresse le rêve un jour de diriger un orchestre symphonique ou de faire la musique d’un film. C’est que pour Antoine Gratton qui désire aussi faire un disque instrumental, la musique n’a pas forcément de langue, n’est pas nécessairement une prise de parole: "Jouer, c’est parler à travers la musique et les instruments. C’est un moyen différent de s’exprimer. Je m’exprime mieux en musique qu’en paroles souvent. Parfois, j’ai de la misère à dire des affaires. Avec la musique ça sort mieux, l’émotion pogne tout de suite!" Humble, celui qui inclut parfois des paroles de la langue de Shakespeare dans ses pièces regrette de ne pas être plus engagé: "Je pense que je ne suis pas assez fort dans ce genre d’écriture pour être capable de le faire aisément. J’essaie de le faire de temps en temps, mais je me sens un petit peu cheap. Si t’es pas bon pour faire ça, ça peut sonner très con. Pour faire des commentaires politiques en musique, il faut que ce soit bien fait. Je voudrais le faire davantage, c’est assurément un point que je dois travailler", explique l’auteur qui donne dans les textes plus légers, anecdotiques, avec humour et ironie.
Antoine Gratton est aussi, et surtout, un artiste physique ayant une réputation de bête de scène. "J’ai commencé en jouant dans les clubs à faire des gigs pour le monde qui voulait danser de 22 h à 3 h du mat, commence celui qui a longtemps donné des cours de karaté. Il faut que ça transpire, faut que tu saches comment garder l’intérêt du monde. C’est un peu de là que me vient cette énergie sur scène."
Le 6 juillet à 19 h 30
À la place de la Francophonie
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