John Abercrombie : Trois guitares, trois visions
Larry Coryell et John Abercrombie comptent parmi les guitaristes qui ont le plus contribué à effectuer la transition entre les styles hard-bop, cool et le style jazz-rock. La rencontre qu’ils proposent avec la guitariste brésilienne Badi Assad représente un moment d’exception. L’ensemble qu’ils forment diffère des trios acoustiques que nous avons pu entendre et donne un résultat exquis. Coryell rappellera comment le guitariste Laurindo Almeida lui a fait connaître autant la musique classique que la musique populaire (la samba) du Brésil. Les trois musiciens apportent, tant dans la composition que dans l’improvisation, leurs couleurs distinctives, ils se complètent de belle façon. Les pièces mélodiques, lyriques alternent avec les morceaux de virtuosité, les prouesses rythmiques. Badi Assad insuffle l’âme brésilienne et utilise son corps comme un instrument de percussion.
Attrapé au vol entre deux représentations du trio en Italie, John Abercrombie accepte volontiers de parler du projet. "La guitare acoustique suppose une manière différente de jouer. Il vous faut jouer avec plus de fermeté, parvenir à faire surgir les notes." L’apport de Badi Assad se situe du côté de la musique classique, mais surtout de la musique brésilienne, et revêt un aspect particulier: "Badi utilise des cordes de guitare en nylon alors que Larry et moi jouons avec des cordes en acier." Assad propose des compositions qui représentent à la fois un défi et du plaisir: "J’ai beaucoup de plaisir à jouer Suspended Circles, c’est très ouvert. On ne sait jamais à quoi s’attendre." Abercrombie propose entre autres Descending Grace – littéralement comme si la grâce descendait – et Timeless, une pièce sans âge créée au moment où à la fois l’esprit de Miles et celui de l’Orient soufflaient sur l’Amérique: "Je n’ai jamais beaucoup joué Descending Grace. C’est très difficile, il y a un tas d’harmonies. Ce n’est pas facile d’improviser là-dessus. Pour ce qui est de Timeless, c’est un thème bien particulier, il ne comporte qu’une seule harmonie. Cela requiert du calme, une attitude très paisible. Pour l’aspect oriental, eh bien j’ai toujours aimé écouter de la musique folk traditionnelle, de la musique chinoise, de la musique coréenne."
D’une façon plus générale, Abercrombie reconnaît quelques relations musicales significatives: Jack DeJohnette, Dave Holland, Kenny Wheeler, Marc Copland. Depuis plus de 30 ans, les différentes expériences l’ont fait mûrir comme compositeur: "Au début, ma musique avait quelque chose de jeune, de sauvage. Depuis, mes compositions sont plus structurées, plus contrôlées." Son tout dernier disque, qu’il vient de faire paraître sur ECM, se nomme Class Trip. Il y poursuit l’aventure avec Marc Feldman, Marc Johnson et Joey Baron. La seule présence de Feldman au violon ajoute une dimension classique aux pièces: "J’ai toujours aimé le violon. Cet instrument m’inspire. J’aime la musique de Bartók. Nous ressemblons par moments à un groupe de musique de chambre. Sur Class Trip, les thèmes sont à la fois très écrits et très simples et s’offrent à une improvisation ouverte, spontanée, ce qui est très important pour moi. De son côté, Larry Coryell vient tout juste de faire paraître Tricycles, sur In & Out, en compagnie de Mark Egan et Paul Wertico. Tout en signant des pièces plus fusion, il rend hommage à de vieux maîtres comme Benny Golson, Cedar Walton et Thelonious Monk."
Le 7 juillet
Au Spectrum