Emma : Au clair de la lune
Musique

Emma : Au clair de la lune

Il y a quatre ans, EMMA prenait vie sous une chanson et la plume d’une bohème musicienne. Ensuite se dessina le personnage narcissique d’une pseudo Française avec une voix particulièrement mièvre, une allure excentrique, et surtout, un tempérament des plus capricieux…

Après Bibitte de nuit, qui avait fait l’unanimité à l’Auberge Symmes et à la Maison Maxime en 2002, Claire Poirier alias Emma revient avec un nouveau spectacle, Emma Libaba, un tour de chant humoristique qu’elle présente cette fois dans un endroit inusité: une caverne. Aussi original que le personnage, le lieu crée bien sûr une acoustique exceptionnelle où la précieuse Emma – tel le trésor d’Ali Baba – s’accompagne de "ses" Johnny, quatre musiciens "accessoires" au talent exceptionnel, soit Denis Clément à la batterie, Éric Sauvé aux claviers, Benoît Rébillard à l’accordéon et Michel Taillefer à la guitare. La diva toujours aussi "attachiante" revient avec quelques pièces personnalisées de son répertoire ainsi que quelques nouveautés récemment pondues et empreintes de poésie.

Derrière ce personnage excentrique se cache une créatrice passionnée qui ne s’attendait pas à ce qu’un jour, un personnage surgisse en elle. Parce que Claire Poirier est d’abord et avant tout une musicienne de formation classique issue du Conservatoire de Québec et détentrice d’une maîtrise en orgue et d’un bac en composition: "Mais j’adore chanter! La voix est un merveilleux instrument, et probablement le plus gratifiant parce que c’est mon corps. C’est extrêmement thérapeutique! s’exclame celle qui travaille également avec des chorales d’enfants. Je pense qu’avant tout, je suis une personne de scène. Je me suis déjà demandé d’où me venait cette "bibitte"-là, et je me suis souvenu qu’à l’âge de cinq ans, alors que j’étais à la maternelle, je me considérais comme une vraie star. Nous faisions alors un spectacle de majorettes et l’institutrice avait mis à l’avant-plan sa fille, qui avait aussi mon âge. Je me souviens de la frustration que j’avais ressentie; j’étais une leader naturelle et je trouvais ça injuste. Eh bien finalement, à la toute fin, c’est moi qui ai volé le show!" explique-t-elle, se surprenant elle-même à relater cette histoire. "Je me souviens même comment j’aimais être derrière les rideaux!"

La gêne l’a ensuite emporté et ce n’est que des années plus tard, dans le cadre de 8 femmes/huit mars – événement auquel l’artiste participe depuis de nombreuses années -, que Claire Poirier s’est fait confiance à nouveau pour "jouer la vedette" et chanter. "Jusqu’à ce que je fasse Emma, j’étais plus ou moins consciente que j’avais un certain charme ou une beauté. La beauté, c’est passif alors que le charme, c’est actif et je me suis mise à travailler là-dessus. Adolescente, je passais inaperçue, les garçons ne me regardaient même pas! Au fond, Emma, c’est comme une réconciliation avec ma féminité", confirme Claire Poirier, qui parle toujours de son personnage à la troisième personne, comme si elle parlait d’une amie proche qu’elle connaît par cœur. "Il faut vraiment être convaincu par le personnage pour faire ça. Au début, je me regardais faire Emma comme dans une sorte de dédoublement. Quand tu crées un personnage, ça devient une personne que tu fréquentes. Les gens viennent me voir pour me demander comment elle va. J’ai des trucs chez moi qui sont justes pour Emma, j’achète des choses pour elle… Par exemple, j’ai une bague qui lui appartient; c’est à elle, pas à moi. Je ne la porterais jamais…"

Mon ami pierrot
Le nom d’Emma est apparu avec la parodie de La Fille d’Ipanema d’Antonio Carlos Jobim, qu’Emma a intitulée À poil Emma. Les paroles des chansons se modifient dans sa bouche racontant à l’emporte-pièce ses angoisses, dont sa pilosité, ses réincarnations, ses bijoux, mais surtout sa belle personne qu’elle se laisse aller à admirer au fil du spectacle. "C’est un peu une supercherie aussi, à quelque part. Je pense que c’est ça qui est le plus amusant. Emma n’est pas une vraie diva, mais elle le pense. En fait, elle me permet de faire les choses que je n’oserais faire. Claire ne pourrait pas engueuler un spectateur parce qu’il a chanté les paroles de la chanson avant elle, mais Emma peut. Et je suis sûre que tous les chanteurs on eu au moins une fois envie de le faire!", ricane-t-elle.

Parmi les nouveautés, le poète et chanteur Guy Perreault lui a écrit la chanson Emma Libaba et les 40 voyeurs pour l’occasion, et elle revient avec sa composition L’Enfer et des chansons de Piaf, Peggy Lee et Kurt Weill. "La chanson Boulevard du crime, je l’ai toujours adorée. C’est un texte qui me convient puisque ça parle d’un pierrot qui pleure pour vrai. Emma, c’est un peu ça: une comique tragique, qui n’est jamais plus l’un que l’autre. Ça rend le personnage complexe", conclut Claire Poirier, les yeux pétillants.

Jusqu’au 31 juillet, les vendredis et samedis
Au Théâtre de la Caverne
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