Martha Wainwright : Composition génétique
Après les succès de son frère Rufus, le temps semble venu pour MARTHA WAINWRIGHT de prendre sa place dans le monde musical canadien. Une présence vraie, un folk-rock habité et sincère ainsi qu’une personnalité fort sympathique pourraient facilement faire de la chanteuse une vedette de plus dans la famille Wainwright-McGarrigle.
De la célèbre famille Wainwright – dans laquelle on inclut sa mère Kate McGarrigle et sa tante Anna, son grand frère Rufus et le patriarche Loudon -, elle est non seulement la plus discrète, mais elle est aussi le secret le mieux gardé jusqu’ici. Car loin de vouloir prendre la tête d’affiche, Martha Wainwright se bornait jusqu’à récemment à prêter sa voix aux membres de sa famille lors des enregistrements de leurs œuvres ou encore à les accompagner sur scène dans un rôle plus effacé, voire anecdotique, qui conviait aux exclamations du genre "C’est sa fille!" ou "C’est sa sœur!"
Lentement mais sûrement, le cours des choses est en train de changer pour Martha. Depuis qu’elle s’est entichée de New York comme ville d’adoption à mi-temps, la jeune auteure-compositrice-interprète a pris le temps de faire ses classes en s’établissant dans divers petits bars de la Grosse Pomme, question d’être certaine de ne brûler aucune des étapes pouvant la mener vers la reconnaissance.
Une brève histoire de temps
Aussi, lorsque vient le temps de faire le point avec la jeune femme sur sa carrière, on ne se surprend pas d’avoir à la traquer au téléphone toute la journée avant de la débusquer, alors qu’arrivant de Los Angeles, elle repartait dans son petit coin de New York. Comme si elle s’amusait à garder une aura de discrétion pour que subsiste cette image de la jeune femme réservée. Une réputation qu’elle a tranquillement entretenue au cours des dernières années sur les scènes canadiennes et américaines, avant de décider il y a quelques mois de passer à la vitesse supérieure et de présenter un premier album, dont elle vient de terminer l’enregistrement, et qui devrait voir officiellement le jour au tout début de l’an prochain. Une attente qui en aura vraisemblablement valu la peine selon la principale intéressée. "Il faut dire aussi que Rufus a pris les devants de la scène au cours des cinq dernières années, avoue-t-elle candidement, et je pensais parfois qu’il n’y avait pas beaucoup de place pour une autre Wainwright (rires)! Même si je peux dire que je voulais le soutenir en chantant simplement avec lui, il fallait néanmoins que je trouve ma propre voie et pour ça, il fallait attendre un peu. C’est un travail de toute une vie, cette recherche, et je ne voulais surtout pas me retrouver prise dans un carcan artistique dès le départ… En faisant un album avec voix et guitare seulement, j’aurais été étiquetée "folk" ou qualifiée uniquement de songwriter. Il suffisait pour moi de trouver ma place."
Malgré cela, la chanteuse se fait un plaisir de parler en détail de la conception de son premier album. En prémisse de ce fameux disque, qui devrait tout simplement porter son nom ("une tradition familiale!" précise-t-elle), Martha Wainwright laissait voir le jour il y a peu de temps au dernier d’une série de trois mini-albums éparpillés au cours de ses années de travail sur scène. Cette poignée de chansons, qui sont en fait des chutes de ses sessions d’enregistrement regroupées sous le titre de Bloody Mother Fucking Asshole (BMFA pour les intimidés), constituait pour elle la seule occasion d’utiliser "un tel titre avant de passer sur une étiquette de disques majeure!"
Un avant-goût prometteur mais pas toujours juste, du fait que ces chansons sont, de son propre aveu, moins bien produites, et qu’elles ne cadraient pas réellement avec l’ensemble des pièces qui composent l’album. En revanche, si on peut bien sûr leur trouver des airs de folk, on reconnaît aussi des envolées de style cabaret et, en cherchant un peu, de jazz, un autre de ses amours. "Je ne voulais pas travailler avec un producteur qui avait des idées préconçues sur ce que je pouvais faire, poursuit-elle, ou qui aurait pu avoir déjà travaillé avec mon père ou ma mère et qui aurait donné une tonalité plus folk ou plus jazz en particulier, car l’album est très éclectique et joue sur plusieurs styles musicaux. J’ai donc attendu de pouvoir faire moi-même ce travail de production et, aussi, de trouver quelqu’un qui puisse me comprendre tout en me laissant aller."
Une affaire de famille
Au bout de ce processus de création l’attendaient évidemment certaines appréhensions bien inévitables dans sa condition, qui auront été pour elle une source d’angoisse tout autant que de motivation, toutes liées à la famille. "Bien sûr, j’avais peur de ne pas réussir et de faire quelque chose qui ne soit pas à la hauteur de ce qu’ont pu faire mes parents, car il faut dire qu’ils ont une série d’albums impressionnants derrière eux! Je trouvais important de faire quelque chose de vrai et qui venait du cœur. Je me souciais peu de devoir écrire des hits, l’important était que je demeure moi-même."
On le voit bien, si on parle de Martha Wainwright, on abordera toujours par la bande le (faux) problème de sa famille, de sa présence et de son importance dans sa carrière. Mais est-ce vraiment un héritage lourd à porter? "C’est difficile à dire… Si ça l’est, c’est surtout au niveau de l’inconscient! Tu sais, je me trouve souvent déprimée et je crois que c’est à cause de ça; beaucoup de gens me parlent de ma famille et me disent à quel point ils sont impressionnés… Ce qui est loin d’aider si je dois me comparer à eux. Mais d’un autre côté, je suis très heureuse et honorée d’être associée à une famille talentueuse. Et puis, il faut bien le dire, elle m’a quand même permis de me placer un pied dans le business… Alors, je dois avouer qu’il y a autant de positif que de négatif."
Le principal atout de Martha Wainwright réside à ce jour dans ses prestations sur scène, que ce soit lorsqu’elle chante seule ou lorsqu’elle accompagne sa mère ou son frère Rufus. Ceux qui ont vu le dernier passage de l’auteur de Want One et Poses à Québec ont pu être témoin du grand potentiel de la chanteuse. En fait, il faut avouer que, ses origines mises à part, la réputation de Martha vient surtout de sa présence scénique et de sa voix unique. "Même après cinq ans, je trouve ça encore difficile de monter sur scène. Mais même si je ne suis pas une rigolote, je me console quand j’entends les gens dire que ma présence est prenante malgré ma timidité!"
Pour sa venue dans le cadre du Festival d’été Off, Martha, accompagnée d’un pianiste et de sa cousine Lili Lanken, promet des standards de jazz autant que des compositions de son cru.
Le 17 juillet à 19 h
Sur le parvis de l’Église Saint-Jean-Baptiste
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