Konpafest : Konpa raisons
Musique

Konpafest : Konpa raisons

Montréal accueille ce week-end une version améliorée d’un festival musical qui s’est tenu à Miami au mois de mai pendant ces six dernières années avec un succès grandissant. Premier blind date officiel de la métropole francophone d’Amérique avec une musique venue d’Haïti qui la squatte pourtant depuis déjà fort longtemps.

Question à mille piastres: qu’est-ce que le konpa? C’est un genre musical inventé par le chef d’orchestre et saxophoniste Nemours Jean-Baptiste pendant l’âge d’or de Port-au-Prince. Nemours officiait avec son ensemble Aux Calebasses au bord de la mer, dans la banlieue sud de la capitale haïtienne, lorsqu’il a breveté cette formule rythmique irrésistible, en l’an de grâce 1955, sous le nom sibyllin de "compas direct". Autre bonne réponse: le konpa est un mélange impossible entre la danse lascive et une musique de party tropical particulièrement tonique. Un genre qui peut paraître débile ou bon enfant à cause des onomatopées infantiles qu’il débite à loisir… Sauf que, une fois qu’on l’a "pogné", le konpa s’injecte dans notre sang comme un virus incurable. Les couples enlacés, indolents, et les foules de corps endiablés, les deux mains en l’air, deviennent tous dépendants de ce rythme mené par la basse électrique et ponctué par le tambour immuable, vibrant à chaque break de batterie, à chaque soubresaut de la guitare rythmique. Bref, si le Québec a abrité pendant les années 50, 60 et 70 des chanteurs créoles de renommée comme Guy Durosier, Fritz Pereira, Joe Trouillot et Albert Chancy, qui ont souvent été confinés à des performances dans des restaurants, la communauté haïtienne invite régulièrement ses héros pour des prestations dont certaines ont rassemblé des foules records – notamment à l’Atrium Bell, au Palais des Congrès, au Medley – ou dans les plus grands buffets et salles communautaires de Laval et de la Rive-Sud. J’aime répéter que le Tabou Combo est au konpa ce que les Rolling Stones sont au rock. Shoubou, Fanfan, Kapi et Coq, quatre garçons dans le vent, chantaient dans Les Frères Tabou, sur leur premier album en 1969, qu’ils ne se sépareraient jamais. Le groupe de Pétion-Ville s’est exilé à New York l’année suivante mais, 35 ans plus tard, ils sont encore bien ensemble et bien vivants. Ils viennent de remplir le Zénith de Paris pour la énième fois et visitent régulièrement Montréal où ils ont donné une prestation mémorable au Métropolis, en 1992. Icône immuable du compas dur, électrifié, avec section de cuivres funky, le Tabou est un incontournable de ce genre de festival. Mais la véritable attraction dans ce Konpafest de Montréal vient des groupes dits "de la nouvelle génération". Si les frères Roberto et Reynaldo Martino de T-Vice ont autant de fans que de détracteurs, malgré leur indéniable succès aux Antilles et en France, je ne peux dire que du bien de la formation Konpa Kreyòl qui nous a visités à plusieurs reprises et que j’ai eu la chance de revoir à Miami le 15 mai dernier dans une prestation électrisante devant 35 000 spectateurs. Mis à part ces deux groupes phares qui ont en leur sein des descendants directs de musiciens du compas rock des années 70, la nouvelle lame de fond comprend Nu Look de Miami, les gars de Mizik Mizik, et Black Parents, une formation montréalaise. Quant à Sweet Micky, il est à la fois le Eminem et le Howard Stern du konpa dont il s’est fait proclamer le président il y a dix ans, pendant le premier exil d’Aristide. S’il défraye régulièrement la chronique depuis 90, cet ambianceur notoire a le mérite en tout cas de pourfendre l’hypocrisie et de laver son linge sale sur la place publique. On ne sait s’il montera sur scène en caleçon ou en tutu rose, mais je crois que ce sera la première prestation à Montréal de sa nouvelle formation avec le guitar hero Robert Martino. Et juste pour donner une idée de l’importance d’un événement si marginal, précisons que le Konpafest de Miami s’est classé l’année dernière, dans le magazine Billboard, comme l’un des dix événements, dans la deuxième semaine de mai, à rapporter le plus au box-office à l’échelle des États-Unis. Voyons voir comment l’édition québécoise se comparera…

Au parc Jarry, les 17 et 18 juillet
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