Carlos Placeres : Avoir la musique dans le cour
Musique

Carlos Placeres : Avoir la musique dans le cour

CARLOS PLACERES est un cuisinier de la musique. Ses recettes sont le fruit d’un travail de recherche ethnographique et musical pointu et passionné et un mélange savamment dosé de plusieurs ingrédients savoureux. Il dira lui-même: "À Cuba, on est très connu à cause des épices qu’on a mises dans ce bouillon-là." Pas de doute, on en redemande.

Les épices, ils les a cueillies aux racines de la musique cubaine, un métissage d’influences musicales venues d’une Espagne celtique au nord et occupée par les musulmans, les juifs et les chrétiens, venues de divers coins d’une Afrique aux rythmes riches et variés, venues de France, d’Haïti, d’Italie aussi; bref, une musique chaleureuse issue de pays qui ont le sens de la fête. "Le résultat, c’est qu’on a des rythmes très connus, comme le cha-cha-cha, la rumba, le son qui est la salsa traditionnelle, et la timba. Ça, c’est la salsa très moderne, c’est ça que je suis en train de faire maintenant. Mais je reste tout le temps troubadour."

Un poète
Troubadour? On l’imagine la chemise lacée bouffante et le luth à la main, chantant des ballades courtoises en langue d’oc pour divertir les belles. On trouve ça étrange pour un Cubain. Il nous renseigne gentiment, mine de rien, avec son accent si chantant: "La timba est une musique très populaire dont les paroles peuvent être très vulgaires. Je dis donc troubadour parce que même si je porte cette musique avec du soleil, il y a toujours de la poésie à l’intérieur, et de la réflexion. Pour nous, à Cuba, c’est ça. Quand on dit troubadour, c’est qu’on reste au niveau de la poésie, des images… c’est ça la différence." De la poésie sur une musique ensoleillée et des rythmes irrésistibles, rien que ça?

Un musicien
Plus. Un musicien hors pair, formé à l’école des vieux Cubains. Un ethnologue réunissant le présent et le passé dans une musique à la fois traditionnelle et très personnelle. "Quand on joue la rumba, c’est la rumba, explique le troubadour. C’est tout le monde. Même chose pour la salsa, ou le boléro… J’ai appris tout ça. J’ai aussi fait une recherche sur l’histoire des instruments quand je suis arrivé ici. Si je suis devenu aujourd’hui, comme on dit, polyvalent, c’est grâce à ça. Le résultat de mon métissage, c’est une musique très cubaine. Ça peut être sur des rythmes très, très anciens, mais agrémentés d’harmonies de jazz. Parce qu’on a tout ça à Cuba." Les chanceux.

Un disque ou deux
Chanceux, nous le sommes aussi. Carlos Placeres endisque pour qu’on ait droit au soleil de Cuba jusque dans notre salon. Son premier album A los Ancestros, déjà un petit bijou de douceur rythmée et de poésie, n’était, paraît-il, qu’un prologue. Ça promet pour le prochain, Dimension. "C’est le titre d’une des chansons, raconte son auteur, une chanson pour remercier la terre. Comme si toute l’humanité était en train d’écouter cette chanson-là; on est ensemble et les gens oublient alors la politique et les religions. Pour le moment, on met ça de côté. La chanson parle de cet instant-là." Sur ce nouvel album, les rythmes seront plus dansants, toujours traditionnels, mais pimentés d’une pincée de funk et de jazz par-ci, de rap et de hip-hop par-là, même des reels au violon! "C’est parce que je me sens bien avec vous! Je sais que j’ai tout ça dans ma tête, il y a une partie de chanson que j’ai écrite à Cuba qui se termine par un reel. Les partitions sont écrites, il ne reste qu’à la monter." Des chansons en français seront probablement aussi au programme "pour vous remercier de la chance que j’ai d’être ici au Québec", s’excuse presque le musicien. "J’adore le français. Je commence parfois à écrire et à penser en français. Mais il y a de bons auteurs francophones ici, alors il faut faire attention", souligne-t-il en riant.

Un ou deux spectacles
À quand la sortie de ce plat mijoté? Il faudra patienter. "Je pense que je vais aller à Cuba pour travailler un petit peu, parce qu’il faut toujours retourner à la source. On travaille beaucoup les arrangements, on travaille les idées, certaines idées qui sont dans ma tête. Et après je reviens et on enregistre avec les musiciens." Pas avant quelques mois encore, cet album, puisque pour l’heure, le Cubain est trop occupé à jouer aux quatre coins de la province, tantôt dans un spectacle plus intime, en petite salle, tantôt dans un show avec plus de musiciens, adapté aux grosses scènes comme celle du spectacle de clôture des FrancoFolies de Montréal ou, plus près de nous, celle du Festival des rythmes du monde. Pour ce spectacle, il sera accompagné de quatre musiciens aux origines aussi internationales que les influences de la musique cubaine: un Cubain, un Québécois, un Québécois-Péruvien et un Panamien. Beau mélange.

Un spectacle où le soleil sera au rendez-vous sur scène, peu importe la température. Tout en privilégiant les textes poétiques qui lui sont propres, le troubadour promet une soirée de solides déhanchements. Et ceux qui ont la danse gênée swingueront dans leur tête: "L’important, c’est d’avoir la musique à l’intérieur", conclut-il, philosophe. Il a raison, évidemment.

Le 5 août
Sur la scène Bell de la rue Racine, Chicoutimi

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Le tour du monde en 80 pas
C’est dans le cadre du Festival des rythmes du monde que se produira notre troubadour, le soir du 5 août. Pendant la première semaine du mois d’août, ce festival du cosmopolite enflammera la Racine de l’arrondissement Chicoutimi, entre les rues Labrecque et Salaberry. Des artistes talentueux en provenance des quatre coins du monde ou du coin de la rue viendront partager leurs rythmes irrésistibles et leurs mélodies endiablées. En plus de la douzaine de groupes invités sur les grandes scènes installées aux extrémités du site, plusieurs artistes joueront, tout au cours du festival, sur la petite scène ou même en pleine rue, pour le plus grand bonheur des passants. Des mariachis mexicains au flamenco (avec Duo Duende, un excellent groupe de la région), de la danse arabe aux mélodies gitanes, les visiteurs n’auront probablement pas assez de leurs deux yeux et de leur paire d’oreilles pour tout assimiler. Avec ses amuseurs publics, ses marionnettes, ses cracheurs de feu, ses danseurs, son immense jam de percussions, son espace où les enfants sont à l’honneur et son grandiose défilé, le Festival des rythmes du monde est en voie de devenir un des plus importants du genre dans la province. Tous les spectacles sont gratuits. L’exotisme est au pas de la porte.

Du 4 au 8 août
Sur la rue Racine de l’arrondissement Chicoutimi