Fog : Brouillard sur les genres
Signe d’évolution, même pour une étiquette aventureuse comme Ninja Tune, le groupe FOG déborde largement le spectre des attentes.
L’oreille a beau être assaillie dans sa musique par des parasites électriques et un assortiment de tables tournantes et de synthétiseurs, tout ça prend racine dans des chansons à tendance vaguement folk, mais avec la nette intention de déjouer le détecteur de genres. Si on ne peut éviter de penser au Beck des débuts, il y a là une approche originale, où le fantôme de Nick Drake semble se tremper les orteils dans la musique concrète et les nouvelles mutations technoïdes.
Fog, c’est plus précisément Andrew Broder, un individu de Minneapolis qu’on a d’abord retrouvé dans l’obscur groupe rock Lateduster, avant qu’il ne vole de ses propres ailes à travers divers projets expérimentaux. Et c’est d’ailleurs un Andrew Broder relativement nu qu’on retrouvera dans le cadre de la présente mini-tournée, puisqu’il ne s’accompagnera que d’une guitare acoustique et (peut-être) d’un clavier. Pas de quoi s’inquiéter pour lui, surtout après l’avoir vu sur le site Web de la BBC où il décline quelques compositions sans filet, avec un naturel qui n’exclut pas l’ironie (www.bbc.co.uk/dna/collective/A1024327).
En constatant la vague durable d’artistes pigeant aux racines du country folk l’aliment d’une nouvelle alternative, il est tentant de lier Fog à cette faune postmoderne où Will Oldham et Devendra Banhart deviennent les contemporains de Johnny Cash. Ce devant quoi Andrew Broder se montre prudent : "Comme dans n’importe quel type de musique, il y a du bon et du moins bon avec ce genre de phénomène. Personnellement, je ne suis pas à l’aise avec les stratégies trop évidentes ou avec les gens qui essaient de construire un personnage du "bon vieux temps" avec leur musique. Mais il faut juger au cas par cas. J’apprécie Will Oldham par exemple. Quant à Johnny Cash, lorsqu’il est mort, ma femme Julie et moi écoutions chanter You Are My Sunshine à la radio, et mes yeux se sont remplis d’eau!"
Une autre affiliation – moins évidente – est celle d’Andrew Broder avec le hip-hop. Si ce sont ses amis rappeurs d’Anticon (Dose One en tête) qui l’ont introduit à Ninja Tune, il faut un certain recul pour comprendre que son approche de la musique n’est pas étrangère à son amour du rap. Au-delà du bruitisme et de l’utilisation très trash des éléments rythmiques, la façon dont Fog convoque la parole a quelque chose d’à la fois intime et polémique qui relève aussi du croisement de différents genres. Pour se convaincre de sa capacité à cimenter ces horizons contrastés, il n’y a qu’à écouter sa pièce Pneumonia, où l’échantillonnage et le folk nasillard semblent issus de la même soupe primitive.
Avec la myriade de sous-projets et de singles qui sépare ses deux albums, ce n’est que récemment qu’on a pu discerner Fog comme son principal moteur. Bien que… "Au spectacle de Montréal, s’exclame-t-il, je vendrai un nouveau vinyle en édition limitée avec un saxophoniste qui s’appelle George Cartwright. Que de l’improvisation, avec des tables tournantes et tout le reste. Je suis très enthousiaste à propos de ce projet. Autrement, c’est Fog Fog Fog."
Puisque l’artiste s’affiche assez ouvertement comme un gauchiste américain, on peut se permettre de lui demander si, à l’exemple d’autres musiciens, il n’est pas engagé dans une tournée anti-Bush. "Eh bien, répond-il, je suis en tournée. Et je suis contre Bush. Je ne suis pas certain que je tournerais contre lui, mais si c’était possible, je crois que je serais partant." Et lorsqu’il se prête au jeu de s’imaginer en artiste populaire actuel, son choix élimine toute ambiguïté politique: "Bruce Springsteen".
Le 28 août
À la Casa del Popolo
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