Isabelle Boulay : En clair-obscur
Plus lumineuse que jamais, Isabelle Boulay se prépare à renouer avec son public québécois après une longue période d’absence.
Le timbre doux et enjoué d’Isabelle Boulay cache difficilement son état de satisfaction au bout du fil. Les répétitions de son spectacle Tout un jour se sont terminées la veille, et l’interprète à la chevelure de feu semble fin prête à revivre les délicieux vertiges de la scène. Sa voix a mué, le trouble et la tourmente qui accompagnaient son retour se dissipent tranquillement, les liens de sa famille artistique se solidifient. "J’ai la chance de travailler avec les musiciens de la tournée précédente… On ne parle pas beaucoup pour se comprendre; on respire ensemble dans la musique. C’est merveilleux de partir sur la route avec le même clan", déclare celle qui souffre parfois d’être séparée des êtres qu’elle aime.
Bien que le fait de retrouver la chaleur des planches soit plutôt excitant, la Gaspésienne admet nourrir quelques craintes. "Oui, ça me fait peur. Mais paradoxalement, c’est ce qui m’amène le plus de satisfaction dans mon métier. Sur scène, c’est comme si on ressentait pour la première fois l’écho de nos chansons, car c’est à ce moment qu’elles prennent leur place dans le cœur des gens."
Sorte de bilan de carrière, la tournée mise beaucoup sur son dernier album, Tout un jour, mais elle réveille aussi de vieux succès, des œuvres adaptées aux sonorités d’aujourd’hui. "Ce n’est pas un supplice de retourner dans mes chansons d’avant", admet sans hésitation Isabelle Boulay. Et ce, même si son regard a changé sur ses réalisations passées. L’artiste croit que les histoires et les messages de ses premières pièces demeurent toujours d’actualité.
L’OMBRE DU PASSÉ
Une année sabbatique a précédé l’enregistrement de Tout un jour, album lancé le printemps dernier. Un temps que la jolie rouquine a utilisé pour redécouvrir les joies d’un quotidien ordinaire. "J’avais le besoin de m’enraciner pour de bon. Quand on passe son existence sur la route et qu’on vit constamment sous la lumière des projecteurs, il y a une urgence à retrouver le point d’origine. Il faut savoir d’où l’on vient, pour savoir où l’on veut aller." Voilà pourquoi l’ancienne étudiante en littérature est partie à la recherche de la mer et du vent pendant sa longue pause. Elle désirait respirer l’air salin, ce "souffle de la vie" qui a circulé dans ses veines dès sa naissance. Touchante, elle poursuit sa pensée en empruntant d’une manière quasi religieuse les mots de Claude Léveillée: "Il faut aller au cœur de la vie pour en témoigner."
Ce temps d’arrêt s’est révélé particulièrement bénéfique pour la chanteuse, qui a réussi à chasser quelques nuages de pluie. La femme, qui n’en perd pas sa profondeur, a appris à regarder le monde avec des lunettes un peu plus colorées. D’où sa fraîche beauté lumineuse… Sa sabbatique lui a également permis de prendre du recul quant à son travail. Désormais, elle s’engage davantage dans différents aspects de sa carrière, dont la création d’arrangements, et elle transmet plus clairement sa philosophie artistique (humanité, intégrité et cohérence). "Je ne veux pas que les gens me sentent étrangère à ce que j’étais."
UN FUTUR LUMINEUX
Isabelle Boulay, animée par une énergie nouvelle, n’aspire étrangement pas à l’écriture de ses propres chansons. "Je n’arriverais pas facilement à synthétiser mes idées." Pourtant, l’amoureuse de la langue française composerait sans doute de magnifiques ballades, chacune des phrases qu’elle prononce sonnant comme les vers d’un poème. Pudique, elle préfère laisser aux autres le soin de créer des chansons qui lui collent à la peau, car eux seuls savent trouver les mots justes. "Ils font parler mes silences", soutient-elle. "J’écrirais plus des essais que des chansons…"
Riche d’une expérience de sept albums, la Gaspésienne sait plus que jamais ce qu’elle veut. "La recette parfaite, c’est Francis Cabrel qui l’a. Car il se permet de vivre", déclare l’interprète, qui se promet de faire une pause avant la réalisation de son prochain disque, qui pourrait bien être country. "Cela me permettrait d’être plus dense, plus profonde."
De retour dans la vie publique, Isabelle Boulay doit parfois lutter contre ses angoisses. Lorsque la tension devient trop présente, elle se donne rendez-vous avec elle-même au bord de la mer. Celle-ci balaie alors ses idées noires au large et lui ramène des pensées plus positives. Et quand une telle étendue d’eau n’est pas accessible, la chanteuse enfourche un vieux vélo suédois, un peu trop grand pour elle, et elle roule à la poursuite du vent… La jeune femme aurait-elle un côté contemplatif? En tournée, elle doit rester muette jusqu’à 16 h afin de préserver sa voix. "Il y a du bon à garder le silence. C’est à ce moment que je vois naître les meilleures images. Ça me rend heureuse d’être silencieuse. Ça me rend espiègle aussi, car il faut que je m’exprime autrement pour me faire comprendre", rigole-t-elle.
LES 14 ET 15 SEPTEMBRE À 20 H
À LA SALLE J.-A.-THOMPSON
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