Madama Butterfly : L’effet papillon
Bien que l’opéra Madama Butterfly de Puccini ait 100 ans, on le revisite toujours aujourd’hui avec la même fascination qu’à l’époque.
Opéra Lyra Ottawa présentera ce célèbre ouvrage de Giacomo Puccini dans le cadre de l’ouverture de sa 20e saison. Présenté pour la première fois à Milan en 1904, l’opéra Madama Butterfly n’a pourtant pas connu le succès instantanément. C’est dans une version revue et corrigée, présentée à Brescia quelques mois plus tard, que cette tragique histoire d’amour et de trahison fit l’unanimité. Ainsi, deux anniversaires marqueront les représentations pour lesquelles on a réuni de grands interprètes, pour la plupart familiers avec l’œuvre.
"J’ai l’impression que les œuvres de ce type ne mourront jamais. Le temps pourra nous le dire, mais pour moi c’est intemporel et éternel…" avance le ténor Michel Corbeil, qui interprétera le rôle complexe de Goro, l’entremetteur, pour sa cinquième fois en carrière. C’est qu’il y a de ces personnages qui collent à la peau des acteurs et c’est bien le cas de Michel Corbeil, qui parle de l’œuvre avec fougue et enthousiasme: "Puccini a été extraordinaire, ça lui a pris des années pour écrire l’opéra, il l’a fait avec une finesse incroyable. Il l’a composé à partir de chants populaires existants, en les réharmonisant, les réorganisant… Au fond, Puccini a été le premier compositeur de musique de film avec une trame sonore qui donne toute la réelle saveur du Japon. C’est très bien construit, il était minutieux comme pas un."
Dans cette production, le personnage principal de Butterfly (Cio-Cio-San) – cette geisha qui épouse Pinkerton, un officier de la marine américaine – sera campé par la chanteuse sino-canadienne Liping Zhang, une des meilleures à jouer ce rôle extrêmement exigeant. "Butterfly a le caractère le plus fort de l’œuvre entière et l’interprète doit en être consciente, c’est l’héroïne! constate M. Corbeil. Non seulement elle était une geisha pas comme les autres, mais elle est très intelligente, pas aussi naïve qu’on le croit. Elle a des convictions à tout casser, elle veut changer son destin, et fera tout ce qu’elle peut pour y arriver. Par contre, elle tombe vraiment amoureuse de Pinkerton et c’est là où on voit toute la fragilité de Butterfly, car elle croit vraiment à cet amour."
Au deuxième acte, trois années ont passé et Cio-Cio-San attend toujours son mari, qui en a épousé une autre et revient chercher son enfant. "Elle renoue avec ses racines japonaises plus que jamais à la fin alors qu’elle se donne la mort… Elle voit qu’elle n’a plus d’autre choix que d’honorer sa vie de la même façon que son père l’a fait. Et c’est ce qui est beau dans Puccini, ce n’est pas hachuré, on sent vraiment toute la progression au niveau dramatique, c’est d’une cohérence sans pareille! C’est extraordinaire ce qu’on ressent: il y a d’abord la joie, la méfiance, après on sent que les deux tombent amoureux, ensuite c’est l’amertume quand il est parti, la détresse, le doute, l’anxiété…" continue Michel Corbeil.
Le rôle de Pinkerton est joué par Marc Heller, celui de la fidèle servante par la chanteuse canadienne Allyson McHardy, alors que la mise en scène est signée de main de maître par Michael Cavanagh, reconnu pour sa qualité théâtrale. "Puisque l’intérêt pour l’opéra est plutôt cyclique, on tend à renouveler le contenant… Ces dernières années, on a vu apparaître les effets spéciaux, et on fait de plus en plus appel à des metteurs en scène de théâtre, plutôt que d’opéra, ce qui est inhabituel. Ils ont une approche beaucoup plus cinématographique que théâtrale. C’est très rafraîchissant puisqu’on puise énormément d’émotions et de "déjà vu" à travers le cinéma", commente le ténor.
L’orchestre et le chœur d’Opéra Lyra Ottawa seront dirigés par maestro Mladen Tarbuk, tout droit venu de la Croatie. Les interprètes devaient avoir deux semaines complètes réservées à la préparation du spectacle, mais à cause de l’horaire chargé de leur Cio-Cio-San, déjà dix jours de retard sont inscrits à l’échéancier. "Michael pourrait bien nous laisser aller tout le monde, et on ferait un très bon Butterfly puisqu’on l’a tous déjà fait, donc on sait exactement ce que tout le monde dit, on comprend bien la langue, on saisit toutes les subtilités de l’œuvre. Mais il va au-dessus de tout ça. Une étape a déjà été réalisée, il peut donc tout de suite se concentrer sur la direction d’acteurs. Alors, tout est dans le détail, même avec un temps limité pour une œuvre si complexe. C’est tout un challenge, ça demande énormément d’énergie, de concentration… Et le chef non plus ne nous laisse jamais aller, tout doit être parfait. Ce qui apporte beaucoup de finesse à l’œuvre, beaucoup de subtilité", conclut sagement M. Corbeil.
Les 11, 13, 15 et 18 septembre, à 20 h
Au Centre national des arts
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