Chris Whitley : Coup de balai
Entre vadrouille et balais: Chris Whitley, portrait d’un musicien de génie.
Rares sont les musiciens ayant obtenu un accueil critique comparable à celui que reçoit le Texan Chris Whitley. David Fricke de Rolling Stone l’a comparé à Robert Johnson. Le New York Times lui prêtait quant à lui des filiations avec Sonic Youth, Chet Baker et aussi Robert Johnson, tandis que le Chicago Tribune avançait que "même comparé aux excentriques que sont Neil Young et Tom Waits, le compositeur et guitariste Chris Whitley est un véritable franc-tireur".
Plutôt flatteur. Mais le rockeur basé à New York admet qu’il ne cracherait pas sur de meilleurs revenus pour autant.
"Le problème avec la popularité – et je n’ai jamais été vraiment populaire – c’est de conserver sa créativité", explique Whitley. "Tu deviens fatigué, ou mou, ou simplement moins inspiré. J’aimerais rejoindre plus de gens, mais je ne veux pas faire de la musique jetable."
Whitley est avant tout connu pour son premier album à tendance "roots", Living with the Law (1991), dont il fit la promotion en assurant la première partie des concerts de Tom Petty. Depuis, il en a fait paraître neuf autres, dont deux l’été dernier: War Crime Blues (qui comprend des reprises des Clash, The Call Up, et de Lou Reed, I Can’t Stand It) et Weed, une compilation de 16 de ses meilleurs titres, incluant Living with the Law, dans une forme épurée les ramenant à l’essentiel.
Whitley avait déjà 31 ans lors de l’enregistrement de Living with the Law, par un étrange coup du destin qui paraissait bien improbable, puisque après son déménagement à New York en 1978, où il jouait simplement dans le parc de Washington Square, il semblait déjà au bout du rouleau. Il quittait alors pour l’Europe, pour revenir en Amérique travailler dans une usine afin de subvenir aux besoins de sa fille de quatre ans.
"Je jouais aussi dans un restaurant où j’ai rencontré une photographe en passant le chapeau qui m’a dit ne pas avoir d’argent, mais vouloir prendre quelques photos", se souvient Whitley. "J’avais une fille et je vivais dans un sous-sol, alors je l’ai appelée pour faire ces photos quelques mois plus tard. Elle m’a dit qu’elle recevait un ami en ville, alors nous sommes tous sortis faire ces photos, et cet ami s’appelait Daniel Lanois. Je n’avais aucune idée de qui il s’agissait, mais nous avons joué de la guitare ensemble. Nous avons gardé contact, puis quelques années plus tard, alors que je passais le balai dans sa maison de New Orleans, une productrice est venue chez Dan à une fête après un concert et il lui a donné un de mes enregistrements. Elle m’a appelé le jour suivant depuis Los Angeles et nous avons signé un contrat de disque."
Depuis, sa musique lui a fait parcourir le globe, lui permettant d’observer l’Amérique avec les yeux du reste du monde. "Les États-Unis carburent à même des illusions romantiques qui sont cependant en train de s’écrouler. Ce qui est sain, je crois. Il y a une crainte de perte d’identité, ils se sentent moins à l’aise, ils s’aperçoivent que Dieu n’est pas uniquement de leur bord."
Et en ce qui concerne la filiation qu’on lui prête avec cet autre grand nom de la musique états-unienne qu’est Robert Johnson, Whitley réplique simplement: "Je ne vois aucune autre comparaison possible que celle du style ou de l’âme qui se dégage des chansons. J’ai surtout été influencé par les premiers enregistrements de Muddy Waters, Bucka White (le cousin de BB King) et Howlin’Wolf, le premier blues électrique. J’adore aussi Bob Marley et Kraftwerk. Je ne suis pas un maniaque de reggae ni de techno, mais ces musiques m’atteignent. Elles atteignent l’âme."
Le 22 septembre
Au Rainbow
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