Gnawa Diffusion : L'accord des mondes
Musique

Gnawa Diffusion : L’accord des mondes

Pour Gnawa Diffusion, la bêtise humaine se combat à coups de vers enluminés, d’humour mordant et de festins sonores. Premier assaut canadien pour la joyeuse troupe franco-algérienne.

Le groupe s’est formé un peu par hasard, il y a une douzaine d’années. Quelques amis musiciens tentent leur chance à un concours et, contre toute attente, en sortent gagnants. "On était tous au chômage et on avait envie de faire du tam-tam, de la guitare et du chant", se rappelle l’Algérien Amazigh Kateb, auteur, compositeur, chanteur, joueur de gumbri (instrument à cordes traditionnel cousin de la basse) et fondateur de Gnawa Diffusion. Complétée par sept musiciens d’origines française et algérienne, la formation basée à Grenoble intègre les sonorités maghrébines et méditerranéennes à une panoplie de styles allant du reggae au rap, en passant par le rock et la pop.

Mais en plus de ce grand banquet auditif, la troupe met de l’avant un discours éclairé, ciselé de rimes multicolores où l’humour incisif de Kateb sert la dénonciation des inepties humaines et l’éveil des consciences, trop souvent apathiques devant ce nouvel ordre (ou désordre) mondial. "Il y a un mode de fonctionnement global qui crée toutes ces tensions dans le monde, ce stress, cet esprit mercantile et individualiste, toute cette chose que j’appelle non pas guerre mondiale mais guerre des mondes; parce que certains souhaitent vraiment un choc des civilisations, ce qui pour moi n’existe pas. Et si jamais il existe, je pense que c’est positif, car c’est la rencontre des peuples qui fait naître la civilisation. Mais on est en train de nous faire gober que ce choc est quelque chose d’impossible à vivre et que le monde occidental doit vaincre le monde arabo-musulman, intégriste ou terroriste… Paradoxalement, je crois que les Américains travaillent pour nous; ils sont en train de faire tellement de conneries partout qu’ils aident notre cause…"

Malgré le sérieux du propos, Kateb croit essentiel de conserver son sens de l’humour et surtout, de garder espoir en la race humaine. "Il ne faut jamais jeter la pierre à l’être humain parce qu’il a toujours au fond de lui quelque chose d’humain malgré tout, même s’il se transforme en robot et que tout ce qu’il sait faire c’est émettre des contraventions ou parler avec des textes de loi. Je pense que si on épargne l’humain lorsqu’on attaque les institutions ou ces choses intolérables qui causent problème dans la vie, il peut se ranger de notre côté. C’est vraiment une histoire de contexte et de propagande infernale. On est dans un monde où il y a énormément de communication, de publicité. Il faut trouver dans tout ça un mode d’expression qui puisse être différent et développer ce que moi j’appelle depuis le début une contre-culture de masse. Puisqu’on veut nous imposer une culture de masse, il faut faire la contre-culture de masse parce que de toute manière, on ne peut pas perdre de vue le peuple. Il faut rester auprès de lui…"

L’arme de prédilection d’Amazigh demeure la poésie, pour laquelle il se passionne depuis son tout jeune âge grâce à son père Kateb Yacine, célèbre poète, romancier et homme de théâtre algérien. "Ce qui me plaît le plus dans la poésie, c’est quand elle est ancrée dans le réel, dans la vie. J’aime ce qui est ventral, écorché vif, qui naît d’une souffrance pour en arriver à un éclat de rire, la poésie inévitable, qui sort sans qu’on puisse vraiment la contrôler… Je crois n’avoir jamais vu autant de poésie que dans certaines choses que l’on voit dans la vie, comme une belle femme, un beau paysage, un lieu où on a pleuré ou aimé, poursuit-il, confessant son approche libertaire face au langage. J’aime bien l’écriture verbale. Je ne m’embarrasse pas trop de la grammaire ou du vocabulaire; quand je trouve pas un mot, je l’invente. J’aime bien cet esprit-là. Il faut être libre, je pense. Avec la langue, avec la poésie, dans tout en fait; il faut essayer d’être libre. Et après, bien… bon courage! (rires)"

Le 17 septembre
Au Théâtre Petit Champlain/Maison de la Chanson
Voir calendrier World/Reggae