La femme est un piano : Noces d'art
Musique

La femme est un piano : Noces d’art

La femme est un piano prouve de belle façon que l’union entre le théâtre et la chanson a toujours été le fruit de l’amour, épousailles sans faux serments ouvertes à tous les  possibles.

Pierre Potvin

et Mélanie Charest se rencontrent sur la scène de La Maison Théâtre à Montréal lors de la production d’un spectacle pour enfants de quatre à huit ans, Histoires à dormir debout. Lui, amuseur public s’il en est un, habile à se jouer des ogres et des bêtes avec son piano, et elle, capable de mouler la matière au gré de ses fantaisies, se trouvent rapidement des affinités, des "talents complémentaires". Ils retiennent du théâtre pour enfants le côté ludique, bien sûr, mais surtout la possibilité de prendre des risques, les défis, le non-conformisme.

Potvin et Charest éprouvent le besoin urgent de dire comment la société nous fait perdre contact avec l’essentiel. Il y a prise de parole, prise de position. "Il y a quelque chose qu’on a voulu distinguer. Il y a un animal en nous. On s’en détache par des idées, des patterns, des rituels; pensons à l’industrie du mariage. Tout le long de notre existence, on prend des engagements; l’amour, ce n’est pas ça!" Les deux artistes vont donc s’exprimer sur le couple, mais aussi sur ce qui les indigne, comme la guerre, le retour de la barbarie, les modes que les gens suivent comme un troupeau.

La femme est un piano est un spectacle bâti autour de 16 chansons originales, des "chansons à voir". Ces musiques sont illustrées à l’aide de la scénographie, des marionnettes, des performances visuelles. Le nom donné par les deux artistes à la troupe qu’ils ont fondée – ZAL – explique le ton conféré au spectacle. À la lecture de la biographie de Chopin, ils découvrent que le musicien et George Sand aimaient présenter devant des amis du théâtre de marionnettes avec musique. Ils exprimaient alors le ZAL, qui représente en polonais l’idée de spleen ou de blues, des "pleurs sans les larmes". Les deux créateurs adorent jouer avec les contrastes. Pendant une chanson qui porte sur la guerre, un carrousel de bergers allemands, sculptés avec des pommes de terre, fait sa ronde.

Dans ce spectacle, le piano, qui peut prendre des formes et des proportions inattendues, occupe une place centrale. C’est lui qui agit comme intermédiaire entre le public et le mystère infini. De son ventre apparaissent les anges et les fantômes. Est-ce la femme qui accouche du piano ou l’inverse? C’est par ce travail coquin de déconstruction de notre monde de carton-pâte et de création d’images neuves que Mélanie Charest et Pierre Potvin proposent, à leur façon, les noces du théâtre et de la chanson, laissant échapper la seule émotion qui nous fasse nous sentir humains, la tendresse.

Du 23 au 25 septembre à 20 h
Au Théâtre Petit Champlain/Maison de la Chanson