Arcade Fire : Symphonie de feu
Arcade Fire lançait son premier album complet il y a deux jours. On parle déjà du groupe montréalais comme de la nouvelle sensation canadienne.
Situé sur un coin de rue en plein Mile-End, le loft d’Arcade Fire s’apparente à un magasin de musique. Claviers, piano, batteries, amplificateurs, xylophones, basses, micros, guitares, guitares et encore guitares s’entassent dans l’appartement qui sert aussi de logis à quelques membres du combo. Abritant un débit de boisson, l’étage inférieur ne présente, heureusement, aucune menace aux pratiques nocturnes fortes en décibels. "En fait, nous avons qu’un seul vrai voisin, et va savoir pourquoi, il ne s’est jamais plaint en trois ans", rigole Win Butler, leader de la formation.
Charmant, l’endroit où Arcade Fire a composé la majorité de ses pièces est pourtant à sous-louer. Devenu le premier groupe québécois à trouver refuge sur l’étiquette américaine Merge (Lou Barlow, Lambchop, Magnetic Fields), ce dernier s’apprête à quitter la Métropole pour une durée indéfinie. Le but de l’opération: tournée à travers le Canada et les États-Unis pour soutenir son premier effort, Funeral. "Nous reviendrons peut-être à la fin de février", envisage la multi-instrumentiste Régine Chassagne qui ne peut prévoir la tournure des événements. "Je crois qu’on prendra alors une courte pause pour ensuite mettre le cap vers l’Europe."
Cette frénésie entourant le groupe ne date pourtant pas d’hier. Il y a un an, Voir le présentait après être tombé sous le charme de son EP éponyme de sept chansons. Dès lors, Win (un géant de 6 pieds, 5 pouces originaire du Texas débarqué à Montréal pour étudier la religion), Régine (ancienne étudiante en jazz et aujourd’hui mariée à Win) et Richard Parry démontraient une grande aptitude pour la pop orchestrale émotive. D’autres musiciens partageaient le bateau, mais avec les nombreux changements de membres, seul le multi-instrumentiste Tim Kingsbury renforce aujourd’hui les rangs d’Arcade Fire qui a rapidement fait boule de neige. "Près de 4000 copies du EP se sont écoulées en concert et sur notre site Web, souligne Régine. Le fait de savoir maintenant qu’une compagnie s’occupera de notre distribution nous enlève un poids. À un certain point, nous ne prenions même plus de commandes par Internet tellement la demande abondait. Nous passions nos journées à emballer des CD, et la marche jusqu’au bureau de poste semblait éternelle."
Chose certaine, ces ventes inespérées combinées aux assistances grandissantes à chaque prestation d’Arcade Fire ont su générer un engouement soutenu. À l’aube de cette première tournée américaine en tant que tête d’affiche, la troupe multiplie les apparitions à la une des magazines spécialisés canadiens. Il semble que le chauvinisme typique de la presse britannique – qui découvre le meilleur groupe au monde à chaque mois – ait contaminé le Canada. "On parle de nous comme d’un petit groupe inconnu devenu sensation, raconte Win. C’est totalement faux! Nous sommes toujours un petit groupe inconnu. Nous commençons à peine à sortir du Canada. Nous ne savons absolument rien de ce qui peut bien nous arriver, poursuit Tim. Oui, les concerts de Montréal et Toronto risquent de marcher fort, mais le spectacle à Wakefield se déroulera peut-être devant cinq personnes."
Soyons honnêtes, Funeral, qui ne reprend aucune pièce du EP par souci de nouveauté, ne laisse en aucun cas présager de piètres auditoires. Dédiées à la mémoire de neuf proches du groupe, les somptueuses 48 minutes du compact font preuve d’une profondeur émouvante. Les arrangements de xylophones, de violons, d’accordéon et de claviers dégagent une solide synergie à laquelle s’ajoutent les cris émotifs de Win et la douce voix de Régine. "Nous travaillons énormément sur les petits détails, explique Richard. Une fois que les instruments de base sont enregistrés, nous pouvons passer des heures et des heures à réfléchir sur comment devrait sonner la voix, où nous devrions lancer les violons ou quelle gamme de xylophone semble la plus appropriée."
Ce sont ces petits détails d’une richesse inouïe que reproduira Arcade Fire sur scène. Et avant de s’attaquer à la planète entière, la formation a choisi de passer par l’Église communautaire du centre-ville appartenant à l’Armée du Salut (2085, rue Drummond). "La chapelle peut accueillir jusqu’à 700 personnes, affirme Régine. La hauteur du plafond créera une réverbération qui servira nos orchestrations." "Nous appuyons, bien sûr, l’organisme de charité, mais la beauté de l’endroit et ses avantages techniques expliquent davantage notre choix", renchérit Win.
La bonne nouvelle, donc: les disciples montréalais d’Arcade Fire vivront une communion symphonique chargée d’émotion. La mauvaise: toute drogue, nourriture, cigarette et boisson alcoolisée est interdite dans l’église… Amen.
Le 25 septembre à 20 h.
À l’Église communautaire du centre-ville de l’Armée du Salut (2085, rue Drummond)