Nojo et Sam Rivers : Notes bleues
Musique

Nojo et Sam Rivers : Notes bleues

La rencontre entre Nojo et Sam Rivers, le saxophoniste légendaire de la musique improvisée afro-américaine, risque de donner lieu à des moments de grande musique et d’exaltation.

Sam Rivers est considéré comme l’un des saxophonistes majeurs – peut-être même le plus grand, selon certains – de ce qu’il a longtemps été convenu d’appeler le free jazz ou l’avant-garde. Entre autres réalisations, il a permis à la musique créatrice de passer d’une première vague à une autre et a agi comme un animateur hors pair de la scène underground new-yorkaise en créant simultanément en 1973 un festival off, en marge des canons consacrés, et en ouvrant un lieu de concertation et de diffusion, le studio Rivbea. Le projet Conference Of The Birds, qu’il a réalisé avec Anthony Braxton, Dave Holland et Barry Altschul, constitue l’un des moments forts de la musique improvisée des années 70. Vers la fin des années 80, l’homme quitte pourtant New York et s’établit en Floride: "J’étais fatigué de la température froide. L’idée m’est venue au moment d’une tournée avec Dizzie Gillespie. Il y a plusieurs bons musiciens en Floride, certains enseignent dans des universités." Le rapport que le musicien entretient avec l’improvisation demeure le même, celle-ci reposant essentiellement sur "l’imagination", sur la "créativité". Il considère la situation actuelle de la musique improvisée afro-américaine en bonne santé, capable comme elle l’a toujours été de se renouveler, de se remettre au monde: "Il y a eu le blues, Cecil Taylor, l’Art Ensemble Of Chicago, Anthony Braxton, maintenant le hip-hop. Le jazz évolue jusqu’au palier suivant, jusqu’à la prochaine scène." Dernièrement, Rivers a enregistré avec le pianiste Jason Moran (Black Stars sur Blue Note). Les dernières années ont aussi vu paraître deux disques avec sa formation la plus régulière (Dan Mathews et Anthony Cole), Inspiration et Culmination: "Nous jouons tous plusieurs instruments, cela permet plusieurs combinaisons."

La formation torontoise Nojo regroupe des musiciens parmi les plus dynamiques de la scène actuelle du jazz de Toronto, comme les frères Michael et Roberto Occhipinti et le trompettiste Kevin Turcotte. L’ensemble est dirigé par le pianiste Paul Neufeld et par le guitariste Michael Occhipinti. Le concert de Nojo avec Sam Rivers constitue un événement. Le saxophoniste adore jouer avec cette formation: "C’est une relation qui existe depuis plusieurs années maintenant, et ce sont tous d’excellents musiciens." Ils ont enregistré ensemble en 2002 à Halifax un disque qui porte le titre de City Of Neighbourhoods (sur True North). Là-dessus, les musiciens de Nojo rendent d’abord hommage à Rivers qu’ils surnomment "The Glassblower", celui qui a su s’engager à fond, sans compromis, avec une maîtrise rare de l’instrument, mais aussi avec lyrisme. L’inspiration s’appuie sur de nombreuses sources: l’Afrique (Spend Every Dime est inspirée par un chant spirituel africain) et par l’Est (Duke A Go Go l’est par la pièce de Duke Ellington, Blue Pepper, tirée de la suite Far East Suite). Rivers rappelle à ce propos comment, depuis ses premières années à Boston, toutes les musiques ont toujours présenté pour lui un vif "intérêt". Enfin, plusieurs pièces évoquent le côté urbain d’une grande ville comme Toronto, sa fébrilité, son côté joyeux, polyphonique, mais aussi les paradoxes de la société contemporaine comme la manipulation (génétique entre autres), mais prise au sens large. Les arrangements du groupe n’hésitent pas à faire se croiser le blues et le western, à opérer de savants changements de tempos ou à recourir à l’aspect répétitif de la musique actuelle. Les grandes villes comme Toronto et Montréal, avec leur large tissu urbain, favorisent malgré tout, les rencontres humaines.

Le 23 septembre
À la Sala Rossa