Afro Cuban All Stars : Le Parrain
Musique

Afro Cuban All Stars : Le Parrain

Cinquième visite à Montréal du Afro Cuban All Star, dirigé par le légendaire Juan de Marcos Gonzales; le parrain, le vrai meneur; l’ours qu’a vu l’homme…

On a toujours besoin d’un plus connu que soi. C’est pourquoi Christophe Colomb a découvert l’Amérique! Paul Simon à son tour a trouvé de la musique vivante dans la cordillère des Andes et même jusqu’en Afrique du Sud… Donc un jour, Ry Cooder, un brave explorateur, a mis le pied à Cuba et a retrouvé intacts, comme par miracle, de vieux mecs géniaux qu’on avait laissés pour morts dans l’embargo tropical depuis quelque quarante ans. Mais le véritable chef d’orchestre derrière cette renaissance inattendue, le rassembleur de talents, le portier du Buena Vista Social Club, c’était en fait Juan de Marcos Gonzales. Reconnaissable entre tous avec ses dreads poivre et sel, avec ses verres fumés, lunettes rondes, toujours en costard, le meneur d’hommes dirige de main de maître partout au monde l’orchestre de Ruben Gonzales et d’Ibrahim Ferrer. Comment se définit l’instigateur de Sierra Maestra, ce joueur de "très" et de percussion qui parle aussi bien l’anglais que le russe?

"Je suis un réalisateur. Évidemment, je suis musicien. Mais j’ai des motivations plus intellectuelles que la majorité des instrumentistes. J’ai des plans en tête. Je veux que la musique cubaine reconquière la place qu’elle avait jadis. J’ai réussi le coup deux fois dans ma vie et je suis convaincu de pouvoir le faire encore une troisième fois en utilisant maintenant des musiciens de la nouvelle génération. Les gens ont vécu le gros boum du Buena Vista, mais nous avons de nouveaux gars qui sont extraordinaires. Voilà pourquoi je continue de faire jouer les vieux avec les jeunes."

Dans la formation qui va occuper la scène du Métropolis la semaine prochaine, il y a entre autres un chanteur de 80 ans, Ignacio Carillo, qui était le "front man" de La Orquesta de Neno Gonzales, le super groupe de charangua des années 50. Il a brillé aussi avec Arsenio Rodriguez et avec les étoiles de Felix Chapottin. Mais ne cherchez plus Felix Valoy, l’homme au chapeau blanc, qui était des premiers voyages au Spectrum. Il est remplacé par son fils, qui porte le même nom. Quant au nouveau super joueur de timbales, il occupe le poste de Manuel "El Guajiro" Mirabel, de trente ans son aîné. Le tambourineur, lui, a vingt-trois ans et le pianiste au coco rasé, c’est celui qu’on peut voir dans le nouvel album et DVD En Vivo enregistré "live" à Tokyo.

"La nation cubaine est encore très jeune. Nous n’avons que trois cents ans d’histoire. Mais pendant la première moitié du vingtième siècle, nous avons créé plus de soixante-quinze styles différents de musique populaire. Il existe bien d’autres formes aujourd’hui qui mélangent des éléments plus contemporains de musique américaine pop et surtout du hip-hop avec la base de la musique traditionnelle cubaine. Mais quand on parle de guajira, son montuno, danzon, ça c’est la musique classique populaire."

Juan de Marcos Gonzales parle avec abondance et avec une précision redoutable de toute la généalogie de son arbre musical national. Lui qui fait du vieux avec du neuf pense honnêtement que le travail qu’il a réalisé depuis dix ans a largement contribué à augmenter le flot de touristes vers son île. Et pour rien au monde, il ne veut la quitter: "J’ai vécu à Londres, ça ne me donne rien. Quand tu restes à l’étranger, tu n’es plus le même, tu ne peux pas jouer pareil. Tu n’as pas le même ciel, le même environnement. Nous, c’est Cuba que nous apportons sur scène."

Le 28 septembre
Au Métropolis
Voir calendrier World / Reggae