Les Trois Accords : Héros de l'absurde
Musique

Les Trois Accords : Héros de l’absurde

Tout le monde en conviendra: Hawaïenne a été le hit de l’été au Québec. Demandée sur les ondes des radios commerciales, trônant au sommet des palmarès, la chanson a amené les cinq gars de Drummondville à jouer devant des foules impressionnantes, à vendre des milliers de copies de leur Gros Mammouth Album et à organiser leur première vraie tournée de spectacles pour l’automne.

Bref, les choses tournent rondement pour le groupe de rock aux textes absurdes. Tellement que les gars n’arrivent plus à répondre à tous les courriels qu’ils reçoivent de leurs fans. Le "phénomène Trois Accords" a même fait l’objet d’une analyse à l’émission Fréquence libre animée par Monique Giroux.

Lorsqu’on leur demande s’ils se considèrent eux-mêmes comme un phénomène, un certain malaise s’installe. Mais après un micro-moment de réflexion, Olivier Benoit, Pierre-Luc Boisvert, Charles Dubreuil, Alexandre Parr et Simon Proulx se bousculent pour répondre.

Olivier: Un phénomène, ça se calcule rarement avec les indicateurs qu’on a. Les albums se vendent bien, ça joue beaucoup à la radio… Mais c’est pas juste ça, un phénomène. Sinon, on pourrait se demander si Dany Bédar va devenir un phénomène!

Charles: Y’a eu une grosse fermeture du marché dans les trois ou quatre dernières années. Ç’a convergé vers deux ou trois éléments: Daniel Bélanger, Les Cowboys Fringants, Jean Leloup… Y’avait rien d’autre qui émergeait de la scène culturelle. Mais j’ai vraiment l’impression que cette année – pas juste pour les Trois Accords, mais pour la scène québécoise en général -, […] y’a comme une ouverture d’esprit qui s’est faite.

Simon: Et c’est venu du public. Les gens appellent dans les radios pour demander des artistes qui ne sont pas mainstream. Le phénomène, c’est plus que nous.

Charles: On a profité d’un sillon laissé par les Cowboys Fringants, il ne faut pas se le cacher. Ils ont décidé de prendre une route un peu plus cahoteuse, ils ont établi leurs règles. Et nous, on a profité de l’ouverture qu’ils ont créée. […] Si ça peut tirer d’autres bands qui ont des propos et des thèmes encore moins explorés par les radios, là, ce serait encore plus champion.

L’EUSSES-TU CRU?

Ils ont beau chanter des textes loufoques et promener des looks d’ados, les gars des Trois Accords ont travaillé fort pour arriver là où ils sont rendus.

Lorsqu’ils ont décidé d’aller au bout de leurs ambitions, ils ont loué tous les appartements d’un immeuble de la rue Wellington Sud à Sherbrooke. "On s’est dit: "Ce serait cool de se trouver une grosse place où on pourrait jouer de la musique tout le temps.""

La majorité des membres du band habitait l’immeuble où a été aménagé un studio maison. C’est dans cet édifice un peu miteux qu’ils ont réalisé leur démo et qu’ils ont fait une préproduction de leur album. "Pour la qualité de vie, c’était moyen, mais comme choix de band, ç’a été un pari gagnant", estime Charles.

Après un an du régime Wellington Sud, le groupe avait déjà obtenu des résultats convaincants, se produisant de plus en plus souvent en spectacles et y rencontrant de moins en moins de visages connus.

ACCROCHÉS À LA CIME D’UN ARBRE…

Les cinq gars estiment d’ailleurs que, pour se faire entendre aujourd’hui, les artistes québécois n’ont d’autre choix que de s’organiser.

Charles: Les labels ne prennent plus de risques. Il faut que les artistes s’organisent et développent leur marché eux-mêmes, jusqu’à ce qu’ils puissent travailler avec une étiquette qui va accepter de prendre le risque minimum… (NDLR: Indica, dans leur cas.)

Simon: Ce qui a été cool pour nous, c’est que les radios universitaires ont commencé à nous faire jouer avant même qu’on ait un album. Très tôt, avant qu’on se décourage, y’avait du monde qui nous poussait à continuer.

[…]

Simon: Mais on en a envoyé des lettres à des producteurs! On appelait dans les radios en disant: "C’est super bon ce qu’on fait!"

Charles: Ils nous ont tous envoyé ch… sauf Radio-Canada et les radios universitaires.

Simon: On voyait que c’était illogique, parce que du monde nous demandait un album, mais aucun producteur ne voulait investir. Finalement, on a trouvé les moyens. […]

En même temps, ç’a été bénéfique, parce qu’on s’est pris en mains nous-mêmes. Aujourd’hui, on a beaucoup de contrôle sur ce qu’on fait. On a nous-mêmes produit notre album, on décide tout. C’est le genre de luxe que peu de bands qui ont été découverts plus tôt peuvent se payer.

Olivier: Quand y’a du monde qui s’est intéressé à nous, on avait des preuves tangibles que ça pourrait fonctionner.

UNE BOUCHE EN CÉRAMIQUE…

Dans leur tentative d’expliquer leur succès, les Trois Accords ne pensent même pas à parler de leurs textes.

Questionnés à ce sujet, ils nous répondent que, dans la vie de tous les jours, ils tiennent le même genre de discours que dans leurs chansons.

Et franchement, on n’a pas de misère à le croire. Au cours de la rencontre, la conversation a souvent dérapé dans leur univers, égarant parfois en chemin celle qui posait les questions.

Simon: Y’a un lexique qui s’est développé au fil du temps. On sait comment une toune des Trois Accords peut sonner. On sait de quoi un texte des Trois Accords peut avoir l’air…

Alexandre: Mais y’a des textes de vrais chanteurs qui pourraient faire d’excellents textes des Trois Accords…

Les musiciens se lancent alors dans une série d’exemples très drôles de chansons qui pourraient faire des hits des Trois Accords.

"En fait, on aurait de la misère à chanter des tounes sérieuses. On ne se sentirait pas crédibles, reprend Simon. Ce serait vraiment une joke si on faisait une toune sérieuse!"

C’est d’ailleurs sur une note peu sérieuse que l’entrevue s’est conclue, seul Charles parvenant à mentionner que l’avenir s’inscrira dans une continuité pour Les Trois Accords. Les autres repartant dans le royaume de l’absurde.

Simon: Ultimement, on veut devenir des hommes politiques vraiment influents. Moi, j’ai de sérieuses visées sur la mairie de Drummondville. Et Olivier, sur celle de Saint-Cyrille…

Le 1er octobre à 20 h
Au Maquisart
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