Jorane : Fée fuyante
Jorane s’établit finalement comme une des artistes les plus incontournables de sa génération avec The You and the Now, son album le plus contrasté jusqu’à présent…
Il y a de nombreuses raisons d’être surpris lors des premières écoutes du disque The You and the Now, un album peu banal signé Jorane. Tout d’abord, le fait qu’elle s’adresse à nous presque uniquement dans la langue de Shakespeare. Avec cette atmosphère de percée internationale qui entoure le graphisme et la mise en marché de cette création, il y a de quoi se demander si elle n’a pas vendu un quartier de son âme. Pourtant, c’est avec un naturel inentamé que la violoncelliste émet ses nouveaux chants, où se lit même un accord nouveau entre la voix et l’émotion. Alors, assez vite, le détecteur de fumisterie s’éteint.
Visiblement satisfaite, la jeune femme dit en être arrivée là en pure liberté: "L’origine de tout ça est très spontanée. J’étais simplement partie en ermitage avec mon amie Simon Wilcox au Lac-Saint-Jean, et des textes ont surgi, dont plusieurs en anglais. Rien de calculé, je pouvais proposer ce que je voulais à la compagnie de disques. D’autres langues m’intéresseraient aussi, car chacune nous amène à penser autrement, nous permet des subtilités différentes."
Alors que l’unique pièce en français est une collaboration avec le multi-instrumentiste Daniel Lanois (qui a aussi composé Pour ton sourire), il est passé beaucoup d’autres personnalités dans les studios où Jorane expérimentait, ce qui a tout de même donné une soupe très digeste. "Avant de partir en studio avec Michael Brook, j’ai échangé plusieurs disques avec lui pour qu’on puisse partager nos univers. Je lui avais entre autres envoyé un Lisa Germano, et comme par hasard, elle habite près de chez lui, c’est même une amie, alors il l’a invitée aux enregistrements! C’est comme ça que je me suis retrouvée à collaborer avec elle (paroles de Good Luck)." Jonathan Painchaud et Shira Mirow furent aussi de la partie, alors que Wilcox est omniprésente.
Le résultat est que Jorane se retrouve avec presque autant de visages que de pièces musicales. Onirisme éthéré par-ci (Blue Planet), échappées gothiques par-là (The Cave, Roll the Stars), clins d’œil alternatif (Stay) ou folk (Pour ton sourire), il n’en demeure pas moins impossible de catégoriser l’ensemble. Ce n’est d’ailleurs pas sans malaise que Jorane entend prononcer les références trop précises, elle qui les fuit. Même lorsqu’elle interprète I Feel Love, de Donna Summer, qu’elle transforme totalement.
Après son disque aux références visuelles 16 mm, Jorane a été interpellée pour réaliser la musique du film Je n’aime que toi, de Claude Fournier. Depuis, cette fenêtre est demeurée grande ouverte: "Je n’ai pas fini de faire des trames sonores. Je viens d’ailleurs de collaborer avec le réalisateur Lewis Cohen, qui avait réalisé mon vidéoclip Film 3. Il m’a demandé de pousser encore plus loin les extrêmes de 16 mm, en incorporant des guitares et du piano, c’était extraordinaire. J’espère vraiment voir ça sous forme de disque."
Et maintenant, quand toutes les portes semblent s’ouvrir, avec qui la quasi-trentenaire rêve-t-elle de collaborer? "Ouf… c’est presque une question piège. Tout est permis, mais je vais certainement poursuivre avec les gens qui m’ont entourée pour The You and the Now. Sinon, j’aime beaucoup des artistes comme Tom Waits, PJ Harvey, Medeski Martin and Wood…" C’est désormais réaliste.
Le 30 septembre
À Latulipe
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Jorane
The You and the Now
(Aquarius)