Steve Normandin : Bonjour tristesse
Musique

Steve Normandin : Bonjour tristesse

Steve Normandin s’est longtemps caché derrière les mots des autres. Après avoir fredonné la vieille chanson française, il dévoile enfin ses propres textes.

Voyant un lien avec sa chanson "Autobus matin et soir", Steve Normandin me donne rendez-vous au café du terminus de Trois-Rivières. À quelques jours de son départ pour la tournée australienne du spectacle The Busker’s Opera, mis en scène par Robert Lepage, l’accordéoniste en profite pour récupérer le colis qui contient son visa de travail ainsi que l’itinéraire de son voyage. Le paquet sous le bras, il vient s’asseoir devant un bol fumant de café. Autour de nous, beaucoup de gens attendent. Ils semblent espérer une arrivée ou simplement que le temps s’écoule. Normandin, lui, vit pleinement le moment présent. Il rigole, fait de l’esprit et discute de son premier véritable enregistrement, Les Croque-morts n’ont pas congé.

LA FACE CACHÉE DE NORMANDIN

Cet album, lancé le 4 octobre dernier, n’évite pas les thématiques lourdes de sens. Ponctué de titres comme "Y a pas de quoi être heureux", "Les Orphelins" ou "La Polka des thanatologues", il dévoile un côté méconnu de l’artiste du Cap-de-la-Madeleine, réputé pour sa bonne humeur contagieuse. En fait, il rectifie peut-être son portrait. L’accordéoniste, qui a longtemps exploité le créneau coloré de la chanson française, marche sur des sujets fragiles. Il passe de la tristesse à la solitude, de la mort au mensonge. Il porte un manteau sombre qu’il se permet d’enlever de temps à autre. Cela fait sans doute le bonheur de ses admirateurs les plus fidèles. Le passionné continue ainsi de s’éclater dans quelques-unes de ses compositions. "À côté de la track", " Caféinomane " et "Mon Ventre", un clin d’œil à la période de sa vie où il était un peu plus rond, sont de bons exemples de son désir de folie. Ces chansons se distinguent par leur rythme joyeux et leur humour pince-sans-rire. "Je suis ancré dans les extrêmes. Quand ça va bien, ça va très bien. Mais lorsque ça va mal, ça va très mal. Je n’ai pas de demi-mesure. En fait, je suis un être passionné et drastique! […] Faut-il prendre la mort à la légère et ne pas s’en faire avec la vie? Oui, la mort, c’est triste, c’est déchirant. Mais c’est rare qu’on est contents pour les morts. Moi, c’est un peu ça. Je parle de la mort de l’enfance et de la mort physique. Souvent, en parlant du passé, on va dire que c’était le bon temps. Pourquoi ne pas être ici, maintenant. Car dans chaque côté sombre, il y a une part de vie", soutient le musicien pour expliquer la distance qui existe entre certaines de ses pièces.

L’homme explore différents chemins. Dans "Les Orphelins", il traite de la désillusion de l’enfance. Soutenant qu’"Au clair de la lune " était jadis une chanson grivoise, il désapprouve le sort qu’on réserve à certaines œuvres afin de ne pas salir les chastes oreilles. "Si on transforme des chansons pour les enfants, ça veut dire qu’on veut leur cacher des choses. Le rapport au mensonge devient donc moins grand. Ça devient banal. Alors, on se ment à nous-mêmes. Et pour certains, ça devient un jeu." La pièce "Paris, gare Montparnasse" raconte une anecdote que l’artiste a vécue pendant qu’il séjournait en France. Encore étonné, Steve Normandin se souvient du moment où son train était retardé à cause d’une tentative de suicide. Il avait alors vu le pauvre type se faire pousser sur le bord du trottoir par les gardiens. Aucune parole n’avait été échangée, et un message préenregistré expliquant la situation circulait partout dans la gare. "Djoséphine", elle, découle de la découverte d’un billet doux d’une ancienne blonde dans un livre de Boris Vian. Comme quoi l’inspiration peut arriver de partout!

LE MOZART DE L’ACCORDÉON

Ayant reçu un harmonica en cadeau de son grand-père, Normandin a appris à jouer de l’instrument dès son tout jeune âge. À six ans, il sait interpréter une œuvre de La Bolduc. "Il n’y pas de lien à faire avec l’enfant prodige!" tient-il à préciser. Un peu plus tard, il participe à des galas folkloriques, puis il découvre les joies du piano et de la clarinette. À l’adolescence, il craque pour l’accordéon. "Mes parents avaient acheté ça pour 75 $ au marché aux puces. Ça sortait directement d’un sac de poubelle." Cet instrument lui permet de décrocher quelques contrats dans des restaurants. Il se joint par la suite à Ess’N’Club avant d’entreprendre une carrière solo. Aujourd’hui, l’image du magasin d’occasion se trouve loin derrière. En plus de travailler sur son propre matériel, Steve Normandin collabore entre autres avec Clémence Desrochers, Claire Lafrenière et Francis Covan. Une carrière en devenir.

LES CROQUE-MORTS N’ONT PAS CONGÉ
STEVE NORMANDIN
(INDÉPENDANT)