Interpol : Signaux pour voyants
Musique

Interpol : Signaux pour voyants

Racé, prenant et anxiogène, le très attendu second opus d’Interpol est lancé. Nous avons discuté avec Paul Banks, le sensible et soucieux chanteur de la formation. Confidences.

Le visuel qui accompagne Antics, second album de la formation new-yorkaise Interpol, est à l’image du disque: elliptique et cru, déployé entre l’ombre et la lumière, difficile à décoder à partir de la raison pure, adressé à la part intuitive et animale de l’humain, montrant les couloirs obscurs d’un vieil hôtel, ou plutôt les lumières rougeoyantes, voire aveuglantes, qui en éclairent les angles. On émerge de ce corridor – et de ce disque – comme on quitte un lieu associé à la nuit, pour se retrouver nez à nez avec l’éblouissement de l’aube.

Dans un hôtel de Los Angeles, Paul Banks, chanteur d’Interpol, est là pour en jaser.

BOUFFONNERIES

"Antics est né dans l’enthousiasme, le confort, la confiance et le calme. Nous étions si concentrés que nous n’avons pas eu le temps de nous en faire avec ce que les autres allaient en penser ou de nous sentir écrasés par une quelconque forme de pression découlant du succès du premier album. À un moment, j’ai eu le sentiment que c’était ce que nous avions fait de mieux jusqu’à aujourd’hui." N’en demeure pas moins que l’attente est là et qu’en cette rentrée automnale, tous se ruent sur Antics non sans une certaine voracité, comme des loups sur une pièce de viande fraîche et espérée, pour statuer: meilleur que Turn On the Bright Lights (qui avait placé la barre très haut) ou décevant. "Si ce disque est différent du premier, cela découle de notre évolution comme musiciens et comme êtres humains, et non pas d’une intention nouvelle derrière notre musique", assure la voix cuivrée de Banks à l’autre bout du fil.

Qu’on soit dans une meute ou dans l’autre, force est d’admettre qu’Antics est un disque ambitieux, racé et dense, aussi sombre et tendu que le précédent mais plus accrocheur. De l’ouverture cérémonieuse (Next Exit) jusqu’à Not Even Jail, un des climax de l’album, une pièce qui se déroule dans l’urgence sur laquelle la voix de Banks fusionne avec la basse omnipotente, en passant par Slow Hands, single auquel on devient vite accro, Antics réclame et mérite plus d’une écoute.

"Antics (en français, "bouffonneries") est un mot dynamique qui rattache les adultes aux enfants et qui est plus souvent employé pour faire référence aux adultes. Dernièrement, je lisais un article dans lequel le journaliste faisait usage de ce mot-là pour illustrer les agissements de Milosevic en cour. Dans un contexte aussi sérieux, la dimension puérile et perturbatrice du mot ressortait. C’est un écho subtil à notre musique et à l’endroit où nous en sommes rendus comme groupe."

JOYAUX SOMBRES

"J’écris sur l’expérience de vivre et sur ce qui traverse ma vie: l’amour, la perte, le désir et l’angoisse", confie Banks. En résultent des pièces posées quelque part sur un axe tendu entre anxiété et catharsis, des chansons denses en forme de tunnels initiatiques, des joyaux sombres au romantisme asphyxiant, qui vous prennent à la gorge et aux poumons. Et toujours cette lumière, comme une promesse crue, au loin.

Aime-t-il être rapproché de Ian Curtis, leader suicidé de Joy Division, qu’on le dise aussi fiévreux et emporté que lui? "Je le respecte, mais quoi qu’on en dise, ce n’est pas un modèle pour moi. Je n’aime pas les comparaisons, même lorsqu’elles me rapprochent de gens qui m’ont véritablement influencé: Neil Young, Leonard Cohen, Bob Dylan, Kurt Cobain, Dr Dre. (…) Très jeune, j’étais fasciné par les petits personnages mystérieux qui apportaient de la musique dans la radio. À huit ans, j’ai vu mon premier concert, Bruce Springsteen, et j’ai saisi la différence entre musique live et enregistrement. Adolescent, je suis devenu obsédé par la musique. Il y avait des guitares partout dans la maison, car mon père les collectionnait. J’en suis arrivé au point où, pour pousser encore davantage mon appréciation de la musique et m’approcher d’elle, j’ai eu le désir d’apprendre à en jouer. Quand Nirvana est apparu dans le paysage, j’ai su que c’était ce que je voulais faire de ma vie."

Le 12 octobre
Au Metropolis
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