Jolie Holland : Suave brise du Sud
Musique

Jolie Holland : Suave brise du Sud

Jolie Holland lançait un album ravissant et inattendu au printemps dernier: Escondida. Première visite à Montréal pour cette Texane à la voix intemporelle qui est aussi la protégée de Tom Waits.

La voix intemporelle et incarnée de Jolie Holland, une Texane de 30 ans qui lançait en avril dernier Escondida, en a déjà enivré plus d’un: Tom Waits est son premier fan et le très doué Devendra Banhart se met à valser en l’entendant. C’est que mademoiselle chante le blues mais aussi le jazz et le folk avec une justesse et une authenticité qui forcent l’admiration… et la comparaison avec les géantes Billie Holiday et Bessie Smith.

LE SUD

L’histoire de Jolie Holland a son charme. "Je ne savais pas ce que c’était de venir du Sud jusqu’à ce que je quitte le Texas. Là-bas, les gens ont toujours pensé que je n’étais pas du coin, que j’étais née en Europe! J’étais la weirdo du village, l’artiste, je lisais tout le temps et je m’habillais en noir. J’ai deux grands-oncles qui ont consacré leur vie à la musique. Ils avaient un bar et jouaient du western swing, ils étaient respectés. C’est une bonne chose que je les aie eu dans ma famille; mes parents n’ont jamais essayé de me détourner de la musique, ne m’ont jamais conseillé d’aller étudier en droit." Dieu merci.

Ses racines créoles et appalachiennes, le pedigree de son père qui remonte jusqu’à la Louisiane, cette sensibilité qui semble lier la rouquine aux grands fantômes du jazz et du folk, sa fascination avouée pour Willie Nelson, Blind Willie McTell et toutes ces voix habitées qui laissent passer une certaine grâce, une volupté, ses textes poétiques en forme d’historiettes d’amour vaporeuses, tout ça fondu ensemble – cette délicate alchimie – ouvre une porte sur l’univers de Jolie Holland. "Ma musique est inspirée des formes traditionnelles américaines. Je me plais à croire que ça n’est pas tout à fait du folk. Pour moi, le folk est une musique signée par une culture et non par une seule personne. La poésie et les mots sont importants pour moi, en fait, je souhaiterais que mes paroles soient encore plus convaincantes que ma musique", précise la chanteuse multi-instrumentiste (guitare, piano, ukulélé), qui pianotait ses premières mélodies à six ans sur un jouet.

Mais la magie opère à la jonction des trois, là où cette voix-velours, cette musique-miel et ces paroles suaves qu’elle signe se perdent les unes dans les autres et se trouvent. Il n’y a que Jolie Holland pour chanter "You motherfucker, I wanted you" (en finale de Do You?) avec autant d’attendrissement et de retenue, qu’elle qui sache faire passer motherfucker pour la plus gracile des caresses: à vous trouer le cœur.

CACHÉE

Être cachée, c’est ce qu’elle fait sur la pochette toute embrumée d’Escondida ("dissimulée", en espagnol) et ce qu’elle faisait avant qu’Anti, l’étiquette de Tom Waits et de Neil Young, la repère. Jolie Holland était serveuse dans un diner tout ce qu’il a de plus américain, gribouillait ses chansons sur un coin de comptoir durant ses shifts et réservait sa musique à ses amis. Il y eut aussi ce premier enregistrement, Catalpa, une compil maison qu’elle vendait lors de ses concerts sans subvenir à la demande (ce qui ne l’empêcha pourtant pas de se retrouver parmi les 10 meilleurs albums de l’année 2003 selon le San Francisco Chronicle). Le mot a couru, tout s’est fait très vite; on connaît désormais la suite.

Fabrique-t-elle ses chansons autrement maintenant qu’elle sait son public élargi? "Ça me fait drôle de les jouer devant autant de monde alors que je les avais d’abord écrites pour mes amis. En ce moment, j’en écris une et, en sachant qu’elle pourra être entendue par des gens que je ne connais pas, j’essaie de lui donner une portée plus vaste."

Jolie s’explique: "On s’entend pour dire que l’Amérique est en train de devenir folle, que tout doit changer. Je compose une chanson dans laquelle je suis empathique à quelqu’un qui veut changer, qui sait qu’il doit le faire, mais qui échoue. Au lieu de me fâcher contre cette personne, j’essaie d’être compréhensive. Et j’ai cette image qui me vient quand je pense à l’Amérique, ce souvenir de chevaux paniqués que l’on évacue d’une écurie en feu, mais qui s’obstinent à y retourner."

Le 14 octobre
Au Main Hall
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