Lhasa : Le confort dans la différence
Musique

Lhasa : Le confort dans la différence

Lhasa n’a plus peur du succès. Loin de la fulgurance d’un couronnement précoce, quoique mérité, elle reparaît, portant fièrement le bagage de l’expérience.

Filant ses chansons d’une somptueuse tristesse, la voix magnifiquement torturée de Lhasa a fait son chemin jusqu’à l’âme des mélomanes, lui assurant un succès de moins en moins confidentiel en étirant sa toile au-delà du territoire déjà conquis.

Et dans ce petit maelström de popularité internationale qui la menait récemment sur les scènes d’une Europe unifiée devant son talent à rendre la complexité humaine en chansons, la frêle chanteuse paraît naviguer avec une assurance qu’on ne lui connaissait pas.

Visiblement plus sereine qu’à l’époque où l’explosion médiatique de son premier essai, La Llorona, lui avait pesé au point où elle avait choisi de tout laisser tomber, la chanteuse s’avoue non seulement confiante, mais sa voix trahit même une pointe de fierté lorsqu’elle évoque les 2700 places du Grand Rex, à Paris, où elle et son groupe se sont produits deux soirs au printemps dernier. Un revirement d’attitude qu’elle explique simplement: "Les craintes que j’avais et qui, je crois, étaient légitimes, avaient à voir avec ma peur de me perdre dans tout ça. Mais aujourd’hui, ça va, je sais que je ne me perdrai pas. Le succès que j’obtiens ressemble beaucoup à ma musique, ajoute-t-elle, et c’est une musique qui trouve son public par ce qu’elle est, d’elle-même, alors je suis à l’aise avec ça."

ESPRIT DE CORPS

En traçant les contours d’une quête spirituelle sur laquelle reposent les fondations de son existence et de son métier, la chanteuse s’illumine: "J’ai été élevée différemment, dans un environnement complètement à part, sans télé, sans école, raconte-t-elle. J’ai appris quand j’étais très jeune que j’avais un destin particulier, que ma vie était intéressante et précieuse. Et c’est le cas pour tout le monde, sauf qu’on a l’impression d’avoir tous vécu la même chose. Nos expériences personnelles ne le sont même plus, jusqu’à un certain point."

"Nous nous voyons nous-mêmes comme des faits de société, poursuit-elle, des êtres sociaux. On remplit des sondages, et toutes sortes d’autres choses du genre que je trouve horribles, alors que ce qui m’intéresse dans la vie, c’est la différence. Il faut nous-mêmes aller à la recherche de notre essence, sinon personne ne le fera à notre place. On peut se servir de la vie, de notre corps, de nos sens pour apprendre à connaître notre âme, et c’est ça qui m’intéresse, c’est ma religion. Mais attention, je ne suis pas une gourou", rigole-t-elle.

La quête n’est cependant pas indolore si l’on en croit les textes de The Living Road. Trahison, mensonge, culpabilité et souffrance sont au cœur de ces mélopées languissantes. "Personne n’a dit que la vie était sans douleur, s’amuse Lhasa, alors autant choisir quelle sorte de douleur on doit subir, si possible… Je me suis toujours posé des questions d’ordre philosophique, depuis que j’ai cinq ans, poursuit-elle. Et c’est encore comme ça aujourd’hui; quand je suis sur scène, je vois les gens dans la salle, et je me dis qu’ils ont tous une existence particulière, qu’il s’agit d’êtres vivants devant moi, qui respirent, qui pensent et qui vivent des choses différentes. Je trouve ça magnifique."

Au final, bien que l’assertion soit un peu brutale, on ne peut s’empêcher de demander à Lhasa si tout ce revirement ne tiendrait pas qu’à une attitude dont elle se serait enfin débarrassée, soit la crainte de la réussite. Précédée d’un court silence de réflexion, puis d’un long soupir, la réponse est sans équivoque: "Là, il y a une chose que je voudrais dire à propos de ça: c’est facile d’être effrayé par le succès quand tu l’as (rires). J’ai eu ce luxe-là, j’ai vécu une très belle histoire avec mon premier album, et puis il y a eu toute la pression qui est venue avec, le doute, l’angoisse. Maintenant, je comprends beaucoup mieux que je suis une chanteuse et que je ferai tout ce qu’il faut pour pouvoir continuer. Je ne veux pas brûler comme une comète, j’ai envie d’exister, d’évoluer et de m’exprimer encore longtemps."

Le 16 octobre à 20 h 30
Au Théâtre Granada
Le 23 septembre
Au Grand Théâtre
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