Rokia Traoré : Condition humaine
Musique

Rokia Traoré : Condition humaine

Rokia Traoré, d’origine malienne, s’impose, en ce début des années 2000, comme une figure exemplaire non seulement du world beat mais aussi de l’ensemble des musiques populaires.

Rokia Traoré fait le pont entre la tradition et la modernité. Tout en donnant une touche plus actuelle à sa musique, elle n’hésite pas à mettre en valeur des instruments acoustiques traditionnels, comme le n’goni, une sorte de luth africain, ou encore à chanter certaines pièces en bamanan, une langue exclusivement orale. En 2000, son album Wanita a été encensé par les critiques, qui l’ont considéré comme la meilleure réalisation de World Music et de Folk. Son troisième album, Bowmboi, paru fin 2003, reçoit un accueil similaire. En France, elle en a déjà vendu 100 000 copies. Tous s’entendent pour souligner l’émotion de la voix, les riches textures de la musique et la variété des arrangements. Sur deux pièces, le célèbre Kronos Quartet se joint à elle pour participer à la création des images.

Rokia Traoré n’oublie pas d’où elle vient, n’oublie pas ses racines, et rend hommage au peuple du Mali, aux valeurs de ce dernier. Elle se raconte: "Dans la chanson Niènafing (mot qui veut dire "nostalgie"), je décris le Mali comme un paradis, j’en donne une vision idéalisée. Les grandes valeurs (comme le sens de l’accueil, la droiture de la personne) ont tendance à disparaître." Elle se dit heureuse que les chrétiens et les musulmans puissent vivre côte à côte: "Les ancêtres ont juré de ne jamais se battre, de donner leur soutien. Les conflits se règlent entre voisins avant d’aboutir devant la police ou les tribunaux." Traoré est aussi très attentive au clivage des générations, aux conflits qui les opposent: "En Afrique, cela se manifeste sous la forme d’une absence de relais. Le Mali a d’abord eu l’influence arabe, puis la colonisation. Les gens ne savent plus comment c’était avant. Les enfants sont perturbés, sont totalement paumés et, comme ici, se laissent bouffer par les jeux vidéo et par Internet. La curiosité est vue comme une mauvaise chose. Les parents pourraient pourtant aider les enfants à faire les funambules."

En fait, l’œuvre de Traoré apparaît porteuse d’un nouvel humanisme. Pour elle, construire un être humain constitue sans doute la plus belle aventure: "Les artistes doivent être capables de rêves assez grands pour faire rêver les autres!"

Il est question du prix Nobel de la paix décerné à la Kenyane Wangari Maathai (la "femme qui plantait des arbres"), la première femme du continent noir à obtenir ce prix.

Rokia Traoré en éprouve une grande fierté. Plusieurs de ses chansons parlent de la condition des femmes: "Je viens d’une culture qui se manifeste de différentes façons. Parce que ma mère était une battante, je ne peux pas croire que l’on ne puisse pas changer les choses. Je ne plains pas la femme malienne, je l’admire. Je parle de toutes celles qui ont le courage de transformer leur situation." Cette conviction profonde permet de comprendre la douceur qui habite ses chansons. Surtout celles chantées en bamanan: "C’est une langue de tradition orale, une langue imagée, une langue poétique. Dans Manian, cela me permet de parler de façon claire et précise de sujets très graves, mais de manière très douce, sans heurter."

Le 14 octobre
Au Spectrum
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