Hervé Niquet : La dernière Sinfonie?
Le chef français Hervé Niquet revient à Montréal pour diriger l’excellent orchestre baroque La Nouvele Sinfonie. Un troisième programme en trois ans, et peut-être le dernier…
Arrivé chez nous il y a trois ans avec le soutien de la Fondation BNP Paribas pour créer un véritable orchestre baroque jouant sur instruments d’époque, le chef français Hervé Niquet, fondateur du très réputé Concert Spirituel, pourrait bien donner cette semaine son dernier concert avec La Nouvele Sinfonie, à la suite des refus répétés du Conseil des Arts et des Lettres du Québec d’accorder à l’orchestre une subvention d’aide aux projets de production. Une nouvelle qui assombrit considérablement la nouvelle production de l’orchestre. "Vous savez, explique-t-il, ce n’est jamais "sombre" de faire de la musique, surtout avec des gens que j’aime beaucoup, comme ceux que je retrouve ici. C’est simplement triste qu’il n’y ait pas de volonté publique, en tout cas financière, d’avoir un orchestre baroque. Il suffisait de peu de choses pour que nous doublions nos activités et, donc, que nous fassions travailler des musiciens d’ici. C’est assez bizarre comme calcul…"
D’autant plus bizarre que la scène baroque montréalaise est en pleine effervescence (un festival naissait il y a deux ans) et que La Nouvele Sinfonie a déjà établi une réputation internationale! "Notre programme de l’an dernier, avec la musique de Jean-Féry Rebel, était présenté par la revue Classica comme le fait de l’un des meilleurs orchestres baroques au monde!" La revue française Classica a d’ailleurs offert un enregistrement de ce concert à ses lecteurs. Pouvons-nous penser voir édité ici un jour un tel enregistrement? "Moi, vous savez, j’avais des projets pour 15 ans! Avec trois ou quatre productions par année… Mais bon, le CALQ en a décidé autrement." On pourrait espérer qu’il se ravise… "Malheureusement, explique le chef, je serai déjà loin. Je viens d’accepter la direction de la Beethoven Akademie à Anvers, je suis premier chef invité à l’Orchestre de Kanazawa au Japon, à l’Orchestre Simon Bolivar de Caracas, à l’Orchestre de la Radio flamande, et puis il y a toute l’activité de mon premier ensemble, Le Concert Spirituel…" Cet ensemble recevait en juin dernier le prestigieux prix Edison; Hervé Niquet est allé le chercher aux côtés des autres lauréats, les Rostropovitch, Harnoncourt, Maxim Vengerov et Riccardo Chailly…
On ne peut certes pas reprocher à La Nouvele Sinfonie de faire la même chose que tout le monde… Hervé Niquet en a encore pour des années à découvrir dans d’incessantes recherches musicologiques des trésors endormis. "Je passe 30 % de mon temps dans les bibliothèques, explique-t-il, parce que l’on a quand même en France un fonds très riche en musique ancienne. Je trouve assez suspects les ensembles baroques qui font sans arrêt Bach, Haendel, Vivaldi… Je n’appelle pas cela faire de la musique baroque, j’appelle cela faire du commerce! C’est à peine un millième du répertoire baroque!" Y a-t-il donc encore beaucoup de bonne musique qui nous soit inconnue? "Ah, mais bien sûr! lance le chef. Si je vous parle de François Pétouille, de Louis Chein, d’André-Cardinal Destouches, qui sont vraiment de grands maîtres, ou même Campra… On connaît quelle portion de son œuvre? Il y en a pour des années!"
Après celles de Charles Desmazures et Jean-Féry Rebel, donc, La Nouvele Sinfonie nous présente cette fois la musique de Joseph Bodin de Boismortier avec l’opéra comique Don Quichotte chez la duchesse, de 1743 (livret de Simon Favart). "Ça leur a été commandé pour la période du carnaval, et je crois bien qu’ils avaient avec eux un décorateur fou qui leur a proposé l’Afrique, le Japon, la caverne de Montesinos, enfin, le type a frappé très fort!" dit-il dans un éclat de rire. Et de poursuivre: "Ils avaient aussi avec eux les chanteurs préférés de Rameau, les grandes stars de l’époque, et puis comme c’était pour le carnaval, tout porte à rire dans cet opéra." Et ce sera interprété, sur instruments d’époque, par 46 musiciens et 6 solistes. À découvrir, pendant qu’il en est encore temps…
Le 1er novembre
À la Salle Pierre-Mercure, 20 h
Info: (514) 987-6919
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