The Stills : Points cardinaux
Les Stills lançaient il y a un an Logic Will Break Your Heart. Un album précédé d’un engouement signé RollingStone, qui, trois mois plus tôt, qualifiait la formation de "next big thing". Bilan sur trois fronts
La vague qui a poussé le groupe montréalais The Stills et son compact Logic Will Break Your Heart aux quatre coins du globe s’estompe. Deux cent mille copies plus tard, la formation peut enfin espérer prendre un peu de repos et mettre ensuite la table pour son deuxième album. Et les rêves? L’Angleterre a-t-elle craqué comme prévu? Les États-Unis ont-ils accepté les Canadiens? Et le Japon, toujours terre promise d’à peu près tout ce qui joue de la guitare? Rencontrés dans un appartement de la rue Clark à Montréal, le batteur Dave Hamelin et le guitariste Greg Paquet nous dressent un portrait de la situation.
ANGLETERRE
S’inscrivant dans une certaine logique pop britannique avec ses influences Echo & the Bunnymen, le premier compact rock aux sonorités 80 des Stills semblait tout désigné pour percer le marché des NME, Mojo et Q. Pourtant, aucune de ces publications n’a traité les Montréalais comme ses chouchous. "On peut jouer devant des foules oscillant entre 500 et 1000 personnes là-bas, ce qui n’est vraiment pas mauvais, observe Dave. Nous nous attendions peut-être à plus, sauf qu’en choisissant Vice comme label, nous nous assurions d’éviter la surexposition. Le but n’était pas d’envahir le marché comme l’ont récemment fait The Killers. Nous voulions nous garder un peu d’air pour respirer et ne ressentir aucune pression par rapport à notre prochain disque. Je ne crois pas que ce soit le cas pour les Franz Ferdinand."
"Nous n’avons pas suivi le plan normal pour conquérir l’Angleterre, poursuit Greg. En raison de leur histoire, les Anglais aiment se savoir berceau de la musique pop. Pour un groupe d’Amérique, la stratégie veut que tu lances ton album là-bas en premier, ce que nous n’avons pas fait. Il te faut mettre toutes tes énergies sur le Royaume-Uni pour qu’il sente l’exclusivité, la primeur. Je crois que c’est un sentiment de fierté", lance-t-il avant de s’aventurer sur une autre piste. "Les Britanniques sont aussi attirés par l’attitude. Nous ne portons pas d’"habits" et nous ne sommes pas sensationnalistes."
JAPON
"Tout artiste vivant un creux dans sa carrière n’a qu’à se rendre au Japon pour regagner confiance", avance Greg. "Au Japon, ça marche pour tout le monde, renchérit Dave. Ils mettent vraiment les groupes sur un piédestal. Nous n’avons vendu que 30 000 albums en Asie depuis juin, et des filles réservaient des chambres à notre hôtel seulement pour nous rencontrer. Après une prestation dans un magasin de disques, des admiratrices couraient même après notre véhicule pour obtenir nos autographes."
Digne de A Hard Day’s Night, la scène s’explique selon Dave par la fascination qu’ont les Japonais envers les groupes occidentaux. "Ils aiment d’un amour inconditionnel, sans réserve. En concert, ils n’attendent pas que leurs voisins dansent et crient pour s’exciter. Ils se foutent que le son soit mauvais ou que le groupe soit branché ou non. Ils sont là pour s’amuser."
ÉTATS-UNIS
"Dans les villes majeures, notre assistance variait entre 1000 et 1200 personnes, comparativement à 100 ou 200 pour les plus petites villes, analyse Dave. L’aventure du premier disque est par contre terminée au sud de notre frontière. La base d’adeptes semble établie et, dans l’ensemble, tout a fonctionné comme prévu."
Tout, sauf ce petit groupe de Las Vegas baptisé The Killers. Arrivé deux ans en retard par rapport à la vague rétro sombre 80, il a envahi le marché populaire avec ses pièces faciles propulsées en tête des palmarès par une compagne de publicité dantesque. "Les Killers nous détestent et ne se gênent pas pour le dire en entrevue, déplore Greg. Je crois que ça remonte à un concert que nous donnions ensemble à New York. Nos deux loges étaient situées de part et d’autre de la salle, et l’occasion de se parler ne s’est pas présentée. Mais nous non plus, nous ne les portons pas dans notre cœur. Il faut toujours que les membres d’un groupe monté par une multinationale s’approprient un courant indépendant à la mode pour ensuite passer pour des génies. Les Killers incarnent l’opportunisme." Les hostilités sont lancées.