Bénabar : Crooner alternatif
Musique

Bénabar : Crooner alternatif

En deux albums, Bénabar a su s’imposer en Europe parmi les nouveaux visages de la chanson française. Il lance ces jours-ci en sol québécois une compil de ses meilleurs titres. Rencontre avec un vrai de vrai.

C’était à Bourges, en avril dernier, au beau milieu du concert de Bashung. Sous le grand chapiteau archi-bondé, des centaines de spectateurs impatients ont commencé à scander "Béna-bar ! Béna-bar!" pour ne plus s’arrêter. Je n’en croyais pas mes oreilles. Quarante-cinq minutes plus tard, la nouvelle idole des jeunes caracolait sur scène avec ses chansons drôles et c’était l’extase. C’est qui cet hurluberlu qui gambade, joue du bugle puis s’installe au piano? Son groupe entièrement acoustique sonne moitié fanfare, ses refrains tout légers font penser à Brassens ou Brel pour leur humour caustique, leur vocabulaire pas piqué des vers et surtout cet art de tourner le dérisoire en dérision. Entre les deux, la ligne est mince, oui, mais faut savoir y faire.

"Très mauvais souvenir, confie l’artiste au bout du fil, depuis les coulisses d’un théâtre à Nantes. J’étais mal. J’en ai parlé à Bashung que je respecte infiniment. Ça me semblait complètement déplacé, c’est plutôt l’inverse qui aurait dû arriver. Mais lui était très tranquille. Ça m’a retiré tout complexe."

Les complexes, Bénabar est trop à l’aise pour en avoir. Banlieusard assumé, il a commencé la musique à cinq ans dans une école de quartier. C’était son premier rêve.

"Mon prof de trompette est un ancien militaire, ce qui explique la finesse de mon répertoire! Après, je me suis mis au piano tout seul pour commencer à composer. Et puis pour les filles aussi, quand même. La trompette peut être sexy mais il faut en jouer très bien. Au piano, on peut faire Let It Be et puis ça a de la gueule."

Voilà un mec qui peut jouer les prétentieux sans avoir la grosse tête. Et qui sait parler aux femmes comme on ne le fait plus ici à force d’être politically correct. Les filles du Québec vont capoter sur une chanson comme Sac à main où il fouille dans la vie privée de sa blonde, mais apprécieront sûrement le petit macho de Y’a une fille qui habite chez moi.

"J’aime le cirque, les fanfares et cette ambiguïté entre le rire et les larmes. Une majorette, c’est super joyeux mais ça peut aussi être tragique. Généralement, c’est comme ça que je vois les choses. Je suis un grand fan du cinéma italien à cause de ça. Et je ne crois pas aux générations spontanées. On est forcément le fruit de ce qui s’est passé avant. Sur scène, je pique des choses à Renaud ou Higelin mais c’est normal. Pour mes chansons, je pille allègrement le répertoire de Brassens ou de Brel."

Lucide quant à son art, il poursuit: "C’est vraiment de la musique traditionnelle, très classique, très "couplet-refrain", j’en suis bien conscient. C’est un peu désespérant, même. Mais je ne sais pas faire autre chose. Ça se situe dans une tradition de chanson très établie."

Pourtant, derrière cette apparence polie se cachent une originalité flagrante et une manière sulfureuse. Ses chansons un peu tordues sont comme des courts-métrages, comme cet étrange José Jeannette, qu’il a réalisé il y a dix ans et qui a même été primé au FFM. "J’aime bien l’idée d’être un chanteur de charme alternatif, conclut l’intéressé. Ça me plaît, j’aimerais bien en devenir un."

Bénabar
Couche-tard et lève-tôt
(BMG / Select)