Swing : La vie comme Swing
Musique

Swing : La vie comme Swing

Le duo Swing brave à la fois le style urbain et le folklore avec succès. Discussion sur la musique néo-traditionnelle et la francophonie hors Québec avec Michel Bénac et Jean-Philippe  Goulet.

Il advient parfois que la musique de certains artistes colle à merveille à leur personnalité. Les yeux pétillants, l’allure colorée, Michel Bénac est à l’image même de ce que l’on s’imagine de Swing: du dynamisme, de la légèreté, de la naïveté, presque. "J’ai mon casque et je suis prêt à bûcher dans le tas d’aplomb, avec le sourire. Je trouve ça génial, ça me stimule et j’ai hâte de voir jusqu’où l’aventure va aller", explique-t-il avec un enthousiasme charmant. Il faut dire que, fraîchement honoré d’une nomination au Gala de l’ADISQ dans la catégorie Album traditionnel pour son plus récent opus, La Vie comme ça, le duo a toutes les raisons d’afficher cette détermination. Pour Jean-Philippe Goulet, cet honneur est particulièrement appréciable: "Une nomination au Gala de l’ADISQ, c’est la cerise sur le sundae!" L’an dernier, Bobby Lalonde, membre fondateur, lui passait l’archet. Depuis, le succès persiste.

FOLKLORE URBAIN

Le fondement de la musique de Swing peut paraître étrange. On la dit "techno-trad postmoderne". C’est un amalgame de chansons à répondre, de mélodies folkloriques et de thèmes tantôt actuels, tantôt d’antan, sur une musique de base urbaine, électronique et parfois même hip-hop. Un genre de "folklore urbain", comme le décrit Michel, cheville ouvrière du projet depuis ses débuts. À quoi bon braver un domaine de la musique… quand on peut en braver deux! "J’aime beaucoup le défi que ça pose. En partant, à la première écoute, c’est un style devant lequel même les puristes du folklore sont sous le choc. Tu te bats contre les puristes folkloriques et tu te bats aussi contre les puristes urbains. T’es un peu dans ton propre monde… Ça représente un peu qui je suis", explique le membre fondateur.

Celui qui avait fait ses débuts dans l’industrie au début des années 90 en tant que Michael B, artiste pop anglophone à l’image de ses idoles américaines Prince et Michael Jackson, croit que c’est en quelque sorte une quête d’identité qui l’a mené à adopter la musique folklorique. Une rencontre avec des gens de l’étiquette Attic Records de Toronto s’est avérée marquante; on lui a dit clairement qu’il lui manquait une chose: de la crédibilité. Ce constat est à l’origine d’une profonde remise en question. Lors d’un party de famille, il redécouvre, dans l’énergie des chansons à répondre que ses grands-parents interprétaient, une partie de lui qui s’était endormie. "Tout d’un coup, tu te sens souriant, t’es content d’être là. Tout le monde est heureux. Je me suis mis à triper! C’est là que je me suis redécouvert."

Bien qu’il existe un intérêt grandissant pour la musique folklorique à la sauce troisième millénaire avec des artistes comme La Bottine Souriante et Mes Aïeux, le duo comprend qu’il lui reste encore du chemin à faire pour faire accepter son style au grand public. Le tandem franco-ontarien a récemment tourné un vidéoclip pour la pièce Au nom du père et du fils et du set carré à Ottawa, espérant percer le marché montréalais grâce à MusiquePlus. Il semble qu’il soit tombé sur un os; le vidéoclip ne tournera pas sur la chaîne, sous prétexte qu’"il n’y a pas de créneau pour un groupe comme Swing".

SURVIVRE HORS MONTRÉAL, EN FRANÇAIS

"L’industrie de la musique, ça se passe sur l’île de Montréal. C’est drôle, mais si ça marche pas là, ça marche pas ailleurs", explique Michel, nous rappelant une chansonnette célèbre au sujet new-yorkais. C’est là le plus grand défi de Swing: pénétrer la forteresse bien gardée, paradis des vedettes pop-rock à la voix rauque et des chanteuses aux voix mielleuses. Si la métropole se montre prude, ailleurs, on se laisse conquérir. La capitale a ainsi confié à Swing l’honneur d’interpréter la chanson thème du Carnaval de Québec cette année, fait particulièrement surprenant pour une formation franco-ontarienne.

"Je suis un francophone hors Québec. Souvent, on se sent comme une personne invisible parce qu’on n’est pas québécois, mais on est francophone", exprime Michel à propos de son identité franco-ontarienne. La passion pour la francophonie que partagent Michel et Jean-Philippe a pris de nouvelles dimensions lors d’un séjour d’une quinzaine en Europe de l’Est au mois de mars dernier. "Ce qu’on a rapporté de là-bas, c’est le fait que c’est aussi gros que ce qui se passe au Canada. T’as des régions francophones en Pologne, en République tchèque, en Slovaquie, en Hongrie, et eux autres aussi, ils se battent pour garder leur langue et leur culture. Ça m’a agrandi ma famille. J’ai découvert que j’ai des cousins et cousines là-bas qui sont pareils comme moi et qui se demandent: "Un jour, j’vas-tu être capable de respirer comme du monde?""

Bien que les membres du groupe n’aient jamais voulu s’imposer "ambassadeurs de la francophonie hors Québec", il n’en demeure pas moins que Swing est à sa façon une icône franco-ontarienne. Avec une fraîcheur et un enthousiasme incomparables, le duo d’Ottawa s’offre en spectacle auprès de jeunes "qui se battent pour avoir un gymnase dans une école francophone", comme le dit Jean-Philippe, et qui prennent enfin conscience du fait qu’il y a de la place pour une culture francophone ailleurs qu’au Québec.

C’est sur la route que se poursuit le chemin de Swing. Plusieurs spectacles sont prévus, d’autres s’ajouteront et seront affichés sur le site Web du groupe dans les semaines à venir au www.legroupeswing.com. "Swing, c’est en show que ça se passe! résume Jean-Philippe. On fait pas de la musique pour que les gens s’assoient et lisent les paroles, c’est quelque chose qu’on vit." Entre-temps, le groupe prépare déjà un troisième album, qui devrait paraître à l’automne 2005, si tout va bien.

Le 2 décembre, 20h

À la Salle Jean-Despréz

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