Anna Karina et Philippe Katerine : La filière K.
Musique

Anna Karina et Philippe Katerine : La filière K.

En écho à leur album commun, la comédienne Anna Karina et le déroutant Philippe Katerine partagent la scène de ce côté-ci du potage atlantique.

C’est à partir d’une véritable ménagerie sonore qu’Anna Karina semble accorder ses entrevues. En arrière-fond, des musiciens mugissent, gloussent et piaffent, probablement impatients de s’exercer devant un nouveau public. Parmi eux, c’est surtout Philippe Katerine qui fait du tapage non loin du combiné, perfectionnant sans doute encore ce personnage de dandy adolescent qui nous fut révélé dans Les Créatures puis dans L’Homme à trois mains.

D’abord envisagée comme une rencontre éphémère, la collaboration entre ces deux K. se prolonge avec bonheur et spontanéité. Quatre ans après l’album Une histoire d’amour, réalisé par Katerine spécialement pour la voix de Karina, les voilà qui se produisent encore ensemble. L’intérêt du premier pour les univers cinématographiques de Godard et de Gainsbourg, avec qui a travaillé Anna Karina, n’est certainement pas étranger à ce dialogue de générations. C’est ainsi qu’on trouvait sur leur disque la magnifique Jamais je n’ai dit que je t’aimerais toujours, inséparable du film Pierrot le fou, et que le duo se réapproprie maintenant nombre de pièces gainsbourgiennes.

"Je croyais vraiment que c’était terminé pour moi ce genre de choses, confie Karina. Mais j’ai pas mal chanté, vous savez. On vient d’ailleurs de faire paraître Chansons de films, qui rassemble plusieurs pièces que j’ai interprétées au cours des années. Avec Philippe, qui m’a été présenté par un directeur de théâtre, tout a été très vite, il a rapidement composé un tas de chansons. J’étais loin de penser qu’on tournerait aussi longtemps, de l’Espagne au Japon, jusqu’à chez vous!"

Née Hanna Karin Blarke Bayer à Copenhague, la dame se refuse à la nostalgie, appréciant notamment chez Katerine cette faculté de réactualiser le passé. Flanqués du multi-instrumentiste Philippe Eveno, ils donnent une existence nouvelle aux chansons Sous le soleil exactement, Ne dis rien, Pistolet Joe et La Noyée, si bien qu’on ne poussera pas les comparaisons trop loin: "Gainsbourg, c’était Gainsbourg et puis Katerine, c’est Katerine, voilà", tranche Karina, ce qui sonne presque comme un compliment.

Quant à Katerine, ces aventures en tandem ne l’empêchent pas de participer à de nombreux projets et de faire mûrir une prochaine production très attendue. "Je fais des nouvelles chansons, confie-t-il, j’enregistre un disque depuis trois mois, qui sera très différent de Huitième Ciel. C’est moins dans les rêves, plus direct, plus accroché à la réalité, comme l’escargot à son rocher; je dis n’importe quoi, mais bon…"

Il dit peut-être n’importe quoi, cet homme, mais il reste que ses trois derniers disques témoignent d’un langage aussi singulier qu’étonnant. À ce sujet toutefois, Katerine démontre une modestie qu’on ne lui connaissait pas: "Ça ne vaudrait pas la peine de publier mes textes, parce qu’ils ne se séparent pas trop de la musique et que les deux sont composés ensemble. Je ne vois pas ça du tout comme de la poésie, c’est juste des chansons. Ce n’est pas par hasard que je ne mets jamais mes textes dans les livrets de mes disques, car ils appartiennent à la mémoire et non au papier. D’ailleurs, quand on me cite mes chansons, je ne les reconnais jamais, il faut me les chanter."

Le 3 décembre
Au Théâtre Outremont

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