Danielle Lalonde : Jour du souvenir
La soprano Danielle Lalonde interprétera les Chants de deuil [d1]de Górecki avec l’Orchestre de Longueuil et son chef Marc David, une manière pour elle de commémorer le 15e anniversaire de la tragédie de Polytechnique.
La soprano Danielle Lalonde est une outsider du milieu montréalais de la musique. Elle qualifie son expérience au Conservatoire de musique de "traumatisante" et revendique une façon de travailler en dehors des modèles habituels, organisant elle-même ses concerts, avec l’aide de sa sœur, à partir des projets qui lui tiennent à cœur.
Son projet d’un hommage aux 14 victimes de la tuerie survenue à l’École polytechnique le 6 décembre 1989 a une résonance personnelle bien particulière: "Ma fille est née le 6 décembre… En 1989, elle avait 10 ans. On se souvient tous où on était ce jour-là. Moi, j’étudiais en théâtre et je travaillais le rôle de Mara dans L’Annonce faite à Marie. Quand je suis arrivée à la maison, j’ai vu ça et, bien sûr, comme à toutes les femmes, ça m’a donné un coup… Quinze ans plus tard, où en sommes-nous?"
C’est la Troisième Symphonie, op. 36 d’Henryk Górecki, dite des Chants de deuil, laquelle a largement contribué à faire connaître le compositeur polonais depuis sa création en 1977, qui a agi comme catalyseur pour Danielle Lalonde. "J’en ai entendu le deuxième mouvement en 1998 et j’ai eu un coup de cœur. Quand une œuvre me prend comme ça, corps et âme, je sais que je la chanterai un jour. Il y a deux ans, à l’approche du 6 décembre, j’écoutais l’œuvre en pensant à ma fille et à la signification de cette date pour nous, une date qui renferme le sublime et l’horreur tout à la fois. Nous avons contacté la Fondation des victimes du 6 décembre pour proposer une interprétation de l’œuvre lors des événements commémoratifs, mais notre proposition allait rester sans réponse. C’est finalement en mars 2004 qu’on nous a appelées, à l’occasion de ce 15e anniversaire. Depuis, je me suis rendu compte que Górecki était né… un 6 décembre!"
Les Chants de deuil, écrits pour grand orchestre et soprano, sont pour le moins appropriés pour cet hommage: les textes utilisés dans les trois mouvements sont un Stabat mater polonais du 15e siècle, une prière écrite sur un mur de sa prison par une jeune prisonnière de la Gestapo et la plainte d’une mère sur la mort de son fils. "Dans la dernière partie, explique Danielle Lalonde, la mère appelle les oiseaux à chanter, pour que son fils puisse être apaisé, et elle demande: "Vous, mauvaises gens, pourquoi avez-vous tué mon fils?", puis la musique est traversée d’une grande luminosité; c’est tellement beau!"
C’est l’Orchestre de Longueuil et son chef Marc David qui interpréteront l’œuvre, dont ce sera par ailleurs une première audition à Montréal. "Ç’a été un appel du cœur pour Marc David, précise la soprano. Il était à l’Université de Montréal en 1989 et c’est lui qui a dirigé l’orchestre lors de la messe commémorative tenue trois jours après la tragédie. Lorsque je lui ai parlé du projet, j’ai su tout de suite à sa réaction que j’avais trouvé un partenaire, et c’est le genre de relation dont j’ai besoin; il n’a pas simplement accepté, il a sauté sur l’occasion."
Tout au long de l’entrevue, l’émotion gagne Danielle Lalonde lorsqu’elle décrit l’œuvre et qu’elle parle de l’événement tragique, dont ce sera le 15e anniversaire le jour même du 25e anniversaire de sa fille. "Il faut que l’amour que j’ai pour ma fille fasse une différence dans cette date-là, pour guérir, pour apaiser… Il n’y a pas d’autre façon de faire cesser la violence que de faire la paix, c’est ma conviction profonde. Pour être en mesure de passer à autre chose et pour être capable de continuer d’aimer."
Le 5 décembre
À l’église Saint-Jean-Baptiste
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