Jérôme Minière : L’anti-poison
Jérôme Minière lançait au printemps un album audacieux, métissage habile de pop électronifiée, poétique et engagée. Rencontre avec celui dont on ne connaît pas tous les visages.
Personnage lucide et articulé, artiste lumineux, hypersensible et incorruptible, Jérôme Minière fait son chemin lentement mais sûrement. Tout juste rentré d’une tournée qui le menait en Allemagne, en Autriche et en Suisse, en nomination deux fois plutôt qu’une à l’ADISQ (catégories Album électro et Réalisation de l’année), Minière brille de tous ses feux.
Ton dernier album est le deuxième mettant en scène l’énigmatique personnage d’Herri Kopter. Mais ce disque semble beaucoup plus près de toi que Jérôme Minière présente Herri Kopter (La Tribu, 2001). Pourquoi ne pas l’avoir tout simplement signé Minière?
"Vers la fin des années 90, sur la scène électronique, presque tout le monde avait des pseudonymes et présentait des projets variés sur diverses étiquettes. C’est dans ce contexte qu’est né Herri Kopter. Il me permettait d’aller vers des musiques électroniques et expérimentales. Le temps a passé, ce personnage est resté vivant et j’ai eu envie qu’il ait une histoire. Mon dernier album est un disque-concept sur l’économie de marché. Herri Kopter est ma porte d’entrée vers ce sujet. Sans la fiction, je n’aurais pas pu aller aussi loin."
Avec cet album, tu réussis à faire cohabiter poésie et subversion de façon très habile. Difficile de réconcilier ces deux pôles?
"Pendant des mois, c’est précisément la question que je me suis posée. Je voulais faire quelque chose d’écoutable, éviter que ça soit chiant, didactique ou dogmatique. Plus j’avançais dans mes recherches sur le marketing, plus je voyais que ça n’aurait pas eu de sens de juste être contre. C’est plus grand que nous et c’est partout."
Te perçois-tu comme un artiste engagé?
"À travers mes projets, je n’obéis pas à un format strict et pour moi, c’est une façon d’être engagé. (…) On dirait qu’à un moment donné, on n’a plus su comment prendre la parole collectivement. Depuis l’an 2000, j’ai l’impression qu’il y a eu une cassure. Avant ça, les gens qui auraient pu être engagés faisaient des constats d’impuissance et tenaient des discours déprimants parce que les solutions semblaient inexistantes. Depuis les événements du 11 septembre, on s’est rendu compte qu’on ne pouvait plus se permettre le luxe de ne pas être engagés parce que la situation allait en s’aggravant. Après toutes ces années de cynisme, on comprend que notre vie, c’est ici-maintenant et qu’à petite échelle, on peut poser toutes sortes de petits gestes qui finissent par avoir un impact."
Qu’est-ce que ça te fait de marcher sur le trottoir et de voir un mur recouvert de pubs annonçant ton dernier album?
"Avant, j’avais du mal à me positionner par rapport à la machine. Mais depuis que je me suis approprié ce langage-là, je me sens soulagé. J’assume mieux le fait de faire partie du monde commercial."
Le 3 décembre à 20 h
Au Grand Théâtre
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