Stephen Faulkner : Encore du gaz dans son char
Musique

Stephen Faulkner : Encore du gaz dans son char

Vieux loup de mer déguisé en éternel adolescent, Stephen Faulkner a envie de faire un peu de grabuge avant de s’en aller. Et quelques autres longs-jeux.

Stephen Faulkner

aime vraiment la musique. Elle le fait vivre. Ça se voit. Entre deux répliques assassines et trois rires moqueurs, il tape du pied, chantonne un riff de blues, mime un batteur, raconte comment l’œuvre des Beatles est devenue son bréviaire, ou à quel point il était jaloux quand il a vu ses idoles, Crosby, Stills & Nash, chanter Je voudrais voir la mer avec Michel Rivard et Bruce Cockburn… Et ça s’entend aussi sur son dernier "long-jeu", comme il dit encore aujourd’hui, Train de vie, qu’il lançait il y a quelques jours avec son orchestre formé pour l’occasion, les bien nommés Cheminots (Alain Quirion, Christobal Tapia de Veer, Frédéric Beauséjour, Antoine Gratton, Jean-Guy Grenier, Dominique Lanoie et Éloi Painchaud, à la réalisation), une joyeuse bande de musiciens qui savent ce qu’ils font.

Résultat: un disque étonnamment frais alliant rock et country, qui transpire l’amour de la musique; des textes parfois dénonciateurs, une reprise de Ferland réussie (Au bord du canal), une toujours actuelle Mommy de Gilles Richer et Marc Gélinas qu’il voulait "geler" sur un CD depuis au moins cinq ans, mais surtout, surtout, des chansons d’amour fort belles, qui tirent le meilleur du compositeur, des slows d’une simplicité totalement assumée. Faulkner s’en confesse presque: "C’est vrai que je suis un gars simple, dans le fond. Encore ce matin, en marchant, je me regardais aller, tout croche, les jambes arquées. Qu’est-ce que tu veux, je ne suis pas compliqué. Et mes chansons ne le sont pas plus que moi." Un gars simple qui vit dans un monde qui ne tourne décidément pas très rond…

La télévision qui nous abrutit

La bombe atomique, les maladies mortelles

La bêtise des gens, surtout, la bêtise des gens

Mais qu’est-ce qu’on peut bien faire toi pis moi?

Aime-moi, le temps file entre nos doigts

Aime-moi, demain nous ne serons plus là

(Aime-moi)

À la bêtise, la pollution, la mort, Stephen Faulkner répond l’amour. "Mais oui, pourquoi pas! L’amour, c’est ce qu’il y a de plus subversif au monde. Outre le fait qu’on va tous mourir un jour, c’est la seule chose qui donne un sens à la vie. La vie sans femme et sans enfants, la vie sans amour paternel, sexuel, sans amour cheap, infini, c’est absolument incompréhensible." Et l’amour qui fait écrire des chansons? "Tu ne peux pas vivre dans un bungalow à L’Assomption avec un jacuzzi et une femme que tu aimes plus ou moins et écrire. Tu sais, cette espèce de vie de banlieusards de cons qui vont dans les centres d’achats tous les dimanches et qui poussent leur carrosse? Eh bien, tu ne peux pas vivre ça et écrire en même temps. Je bois, je fume, je vais me brûler jusqu’à la fin car il n’y a pas d’autre crisse de façon d’écrire. C’est à prendre ou à laisser."

Se traitant volontiers de dinosaure, le chanteur pose un regard acerbe sur l’industrie actuelle de la musique. Mais il refuse de blâmer les jeunes, académiciens ou autres, et s’en prend plutôt au système qui les engendre. Il se dit même solidaire avec eux, aussi quétaines puissent-ils être parfois. "Prends toutes ces chanteuses à micro qui n’écrivent pas et qui sont formatées par la machine: c’est pas de leur faute, elles veulent chanter, réussir, être populaires. Mais en misant sur ça, on tue la chanson! À la radio, on ne met plus de chansonniers ou d’auteurs-compositeurs parce qu’il paraît que le monde zappe quand nos tounes commencent. On est comme des pestiférés! Et le monde dit rien! Pour l’instant, tout ce que je peux faire, c’est gueuler."

Dans ces conditions, Faulkner se considère chanceux d’avoir pu faire un nouvel album. Il en est reconnaissant envers son "bureau", les disques La Tribu, qui lui permet de continuer à résister.

Avant de quitter, en sirotant son deuxième scotch, Stephen Faulkner formule un souhait: "Sincèrement, j’aimerais que les gens me fassent un cadeau de Noël: qu’ils achètent mon disque plutôt que de le pirater. Et je ne parle pas aux ados qui tripent sur les mp3: ce sont les adultes qui gravent disque à disque. Ce qui fait que l’industrie n’homologue pas mes ventes et que je passe pour un gars qui vend 3000, 4000 disques. Ça sert à quoi d’avoir deux Félix si je ne vends pas d’albums?"

Message reçu.