Fred Fortin : Planté dans le décor
Avec Planter le décor, Fred Fortin signe son album le plus achevé à ce jour. Morceaux d’humanité, parcelles d’âme et colères intempestives: le bleuet fuzzé s’y expose sans pudeur.
Comme décor, une table au fond d’un bar où filtre discrètement la lumière du jour et deux pintes de blonde pour une entrevue en forme de retrouvailles.
Entre un commentaire sur le lock-out dans le hockey professionnel, le compte rendu de nos saisons respectives de vélo de montagne – une passion commune – et l’état des lieux quant à nos vies de famille, Fred Fortin répond aux questions concernant son troisième album solo: Planter le décor.
Notre première rencontre remonte à l’époque de son projet rock gavé à la testostérone et aux psychotropes, Gros Mené (Tue ce drum Pierre Bouchard), quelque temps après la sortie de Joseph Antoine Frédéric Fortin Perron, paru en 1996. Cette année-là, du haut de ses 25 ans, le natif du Lac-Saint-Jean, "découvert" par Dédé Fortin, faisait paraître un premier album qui en réconciliait plus d’un avec la nouvelle chanson québécoise.
Huit ans plus tard, une poignée de projets dans son carquois (un deuxième solo intitulé Le Plancher des vaches, les projets Gros Mené et Galaxie 500, le Large Ensemble avec Dan Thouin, etc.), Fortin se ramène avec son disque le plus achevé. Peut-être son recueil le plus grave.
RÈGLEMENT DE COMPTES?
Non pas un album de ballades, mais plutôt de rock au tempo lancinant, Planter le décor est avant tout un disque de cœur. Et aussi une virulente critique.
Avec Pop Citron, une chanson qu’on a souvent entendue en spectacle, Fortin lapide vertement le star system québécois. "Invente-nous une salade/Dis q’tu veux venir en aide aux malades/Pis que toi-même plus jeune, t’es passé au travers la grosse misère/Raconte-nous l’histoire du gars, que ça s’raconte même pas tellement c’est triste à voir /"Ah oui mon Dieu j’ai tellement souffert"/Comme ça le mythe va être engraissé par ton mystère/T’as compris, toi tu l’as l’affaire."
Il en remet avec Conne, un brûlot dont le premier couplet est pure méchanceté, dans lequel une chanteuse populaire montre le premier signe de véritable émotion lorsque le narrateur la pousse au fond d’un précipice.
"Je disais que c’est un album plus sérieux, que j’avais moins envie de faire des tounes drôles, mais Conne, c’est drôle quand même", laisse-t-il entendre, précisant qu’on doit y voir une bonne part d’autocritique. "S’il y a une volonté de dénoncer des choses là-dedans? Oui et non. La chanteuse conne, c’est moi aussi: je suis dans ce métier-là. (…) La seule volonté dans ce que je fais, c’est de dire que tu peux faire de la musique pour la musique. On a tellement de pression quand on arrive dans ce milieu-là, parce que l’industrie est prise dans un moule, dans ses habitudes. Pis il y a tous ces stéréotypes de marketing avec lesquels il faut dealer et qui ont mis une image dans la tête des gens sur ce qu’est le vedettariat… Oui, je me bats pour quelque chose. Pas de façon concrète, mais en essayant de transmettre des valeurs, d’être simple, de faire ma musique sans compromis."
Le 10 décembre à 20 h 30
Au Vieux Clocher de Sherbrooke
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