Rufus Wainwright : Éloge de la suite
C’est en solo que Rufus Wainwright se ramène cette fois, proposant une douzaine de nouvelles chansons issues de Want Two, un album qui prouve qu’une suite est parfois mieux réussie qu’un premier épisode.
"Je crois que les chansons sont là, qu’elles existent déjà et que leurs auteurs ne font que les saisir", expose Rufus Wainwright, dévoilant du coup sa vision pour le moins mystique de l’écriture musicale, qui ne serait, à l’en croire, rien de moins qu’un chapelet de moments de grâce.
La parution de Want Two, chatoyante finale de ce diptyque de l’envie et du désir, confirme que la communication avec les Forces Suprêmes de la Création est limpide. "Je ne voudrais pas manquer le bateau et ne pas surfer sur l’actuelle mode qui consiste à être ultra-religieux, se moque le Montréalais. Mais en fait, c’est simple, si je l’explique ainsi, c’est que je ne peux pas m’octroyer tout le mérite pour ces chansons. C’est que… Il faut comprendre que je dois constamment combattre mon ego."
Et c’est là que réside toute la force de Wainwright, dans cette opposition magnétique entre deux pôles de son être. L’un témoignant d’une timidité maladive et l’autre dévoilant un monstre caractériel complètement imbu de sa personne. "Je suis comme une continuelle partie de tennis", complète-t-il, exposant le combat intérieur qui est la véritable source de sa création. D’un côté, il y a cet ego démesuré qui lui commande d’adopter le profil hautain de l’auteur d’opérettes, ce qui gênait parfois sur Want One. De l’autre, il y a celui qui chausse des souliers trop grands, le mélodiste naturel qui chante des lieux et des gens, ses amours et ses petites fins du monde.
Sur Want Two, comme un soupir de soulagement, c’est le second qui prend le pas. "Par ailleurs, remarque Wainwright, je jouais récemment en Italie, et j’y ai interprété plusieurs pièces de cet album. J’ai alors pu constater à quel point, bien que beaucoup plus simples et directes que celles de Want One, elles ont terriblement été influencées par l’opéra. Je sais, ce n’est pas aussi évident. Je crois que c’est dans l’esprit que ça se trouve, dans l’idée d’aller chercher une mélodie qui soit pure, une ligne de texte qui soit impeccable, le plus près possible de la perfection."
Principalement composé de moments intimistes, ce nouvel album n’est cependant pas dénué de sorties flamboyantes où l’auteur-compositeur étale son romantisme tonitruant, toujours maniéré au possible. Parmi elles flamboie sans doute la plus débridée à ce jour: Gay Messiah, une chanson qui, en deux vers, parvient à imposer l’infamante vignette noire et blanche du Parental Advisory Explicit Lyrics à la pochette de l’album. "Cette étiquette, ça me fait plaisir en un sens, s’amuse le principal intéressé. Puisque je suis sur Geffen et que nous sommes sous la gouverne des disques Interscope, il me semble que c’est comme de recevoir l’approbation de la famille. Comme si je faisais maintenant partie du même club qu’Eminem ou Nine Inch Nails, si tu veux."
"Et tu sais quoi? conclut-il du même ton sarcastique, tant qu’à y être, je ne vois pas pourquoi les disques d’opéra ne seraient pas aussi affublés de ces vignettes. Certaines diraient: "Ce disque peut faire de votre fils un homosexuel." D’autres, comme celles des enregistrements de Wagner, pourraient dire: "Ce disque peut faire de votre enfant un nazi." Pourquoi pas?"
Le 12 décembre à 20 h 30
À l’Impérial
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