Spectacles de l’année : Feux de planches
On a beau souffler sur la braise, le rideau tombe doucement sur les scènes locales d’une autre année enflammée. Tous styles confondus, voici les concerts ayant marqué la rédaction de Voir en 2004.
David Bowie
Le 4 avril au Colisée
La honte. Le grand David Bowie débarquait à Québec, offrant un show d’un calibre redoutable, et nous n’étions que 4000 pour y assister. Les boomers auraient pourtant mieux fait de délaisser leurs cinémas maison au profit des douces réminiscences qu’auraient pu induire un rappel consacré à Ziggy (dont un Suffragette City inoubliable) et la poignée d’incontournables fidèlement rendus (Under Pressure, The Man Who Sold the World, Fashion, Fame, Heroes, Ashes to Ashes…) que ce fabuleux ensemble de musiciens proposait aux fidèles venus se recueillir à l’autel du rock Pepsi, où présidait l’inoxydable icône. Et si les "patates de divan" pourront sans doute mesurer leur erreur grâce à l’inévitable DVD, leur désertion annonce par ailleurs un futur peu reluisant pour ce genre d’événements dont nous devrons vraisemblablement nous passer désormais. La honte, disions-nous. (D. Desjardins)
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The Polyphonic Spree
Le 4 avril au Colisée
La musique des Polyphonic Spree possède de puissantes vertus salvatrices. Si déjà, sur disque, leur pop symphonique est apte à chasser toute forme de morosité, son effet se voit décuplé lorsqu’elle se déploie sur une scène, et c’est ce que nous avons eu la chance de constater alors que le groupe de Dallas assurait la première partie de David Bowie lors de sa visite chez nous le printemps dernier. Menée par le charismatique gourou Tim Delaughter (anciennement à la tête de Tripping Daisy), cette exubérante bande composée de plus de 20 jeunes illuminés (tous vêtus de toges blanches) a su faire voler en éclats les conventions du rock avec la diversité de son instrumentation (harpe, cor français, flûte, etc.) ainsi qu’avec un message bourré d’optimisme. (C. Risler)
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Bryn Terfel
Le 14 avril au Grand Théâtre
Le baryton-basse Bryn Terfel nous fit l’honneur de sa présence pour la clôture de la précédente saison du Club musical de Québec. En compagnie de Malcolm Martineau, pianiste et complice de longue date, Bryn Terfel a offert une performance plus grande que nature, à l’image de sa stature imposante et d’un charisme désarmant. De Robert Schumann aux lieder de Schwanengesang de Franz Schubert, les talents d’acteur de Bryn Terfel ont été exposés. D’un naturel candide et débonnaire, trait de caractère si rare pour des interprètes de son envergure, Bryn Terfel nous a fait connaître son affinité dramatique pour le répertoire allemand et un sens de l’humour dépouillé avec les chants populaires de Roger Quilter. Une prestation inoubliable au charme gallois. (A. Léveillée)
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Ellen Allien
Le 14 mai à la Galerie Rouje
La première visite de la Berlinoise à la Galerie Rouje, en mai dernier, aura été un moment charnière de la belle et courte histoire de la musique techno dans la capitale nationale. Lors de sa prestation elektro-break impeccable aux tourne-disques devant une salle comble, Ellen Allien a mixé avec adresse une partie du catalogue de Bpitch Control, son propre label. Véritable délice pour les oreilles, la présence d’Ellen Allien fut tellement appréciée qu’elle était aussi, en novembre dernier, de la première carte techno présentée au Théâtre Impérial en compagnie des Français ARK et Cabanne. Ce qui laisse présager la venue imminente de Miss Kittin, de Michael Mayer et d’autres dans les mois à venir, selon Manuel Paradis, jeune producteur local dégourdi. (F. Gariépy)
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Richard Desjardins
Photo : Erick Labbé |
Le 6 novembre au Grand Théâtre
Facile de choisir cette année le Kanasuta de Desjardins quand celui-ci vient tout juste de remporter les honneurs au gala de l’ADISQ. Pourtant, ce que l’on retient de cette soirée, c’est le défilement impeccable et sans faux pas des chansons du poète, une performance principalement axée sur les chansons de son dernier album, autour desquelles viendront graviter quelques incontournables de ses premières années de reconnaissance. Et ce qui fait que Desjardins peut se situer dans une classe à part sans donner dans la surenchère médiatique se trouve dans le naturel et la passion avec lesquels il échafaude son monde, la retenue et le professionnalisme de ses musiciens ainsi que son empathie toujours sincère envers ses fans, même si ceux-ci sont déjà gagnés à sa cause. (J.-F. Dupont)
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Daniel Lavoie
Les 25, 26 et 27 novembre au Capitole
Le spectacle de Daniel Lavoie rappelle les meilleurs moments de Vigneault et de Dufresne. L’artiste invite le public à un voyage de la parole. Il faut de l’audace et du courage pour présenter presque exclusivement les chansons de son dernier CD Comédies humaines. Avec la scéno, ce titre prend tout son sens: ce qui se trame au contact des corps, dans les lieux que les hommes habitent. Le travail récent consacré à incarner Félix est sans doute à l’origine des fragments de flâneur offerts comme transitions. Les textes de Brice Homs et surtout de Patrice Guairo, maître dans l’art de brosser un tableau (Les Paravents chinois), troublent, émeuvent. Seul au piano, avec l’accordéon complice de Francis Covan, Lavoie interprète les chansons avec une grande intensité, en mettant en lumière toute leur tendresse. (D. Lelièvre)
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Fred Fortin
Le 3 décembre au Théâtre Petit Champlain
La première du 4 novembre fut certes exquise, mais la prestation de Fred Fortin et sa bande un mois de rodage plus tard était à couper le souffle. Non seulement les morceaux de Planter le décor se transposent à merveille sur scène, mais ils côtoient dans la plus grande harmonie les "vieux" succès, pour la plupart réarrangés d’admirable façon (T’es grosse pis t’es belle, Embarque dans mon char). Fortin aura une fois de plus démontré son immense talent d’instrumentiste, particulièrement lorsqu’il chante ou joue de l’harmonica tout en rinçant sa basse sur d’impossibles contretemps. Si certains auraient écourté quelques jams, d’autres auront vu en Olivier Langevin (guitare), Dan Thouin (claviers), Alain Berger (batterie) et François Duval (guitare) la troupe idéale pour se lâcher lousse. (P. Ouellet)