K-OS : Musique du cour
K-OS ne veut pas seulement renouveler le hip-hop par l’entremise de Joyful Rebellion, il veut faire savoir aux gens que tout est possible, surtout lorsqu’on reste soi-même.
Le rappeur torontois, né Kevin Brereton, se trouvait en Europe, quelque part entre la France et la Suède, lorsqu’il a pris conscience de sa désillusion en ce qui a trait au hip-hop nord-américain: "J’ouvrais pour The Roots lors de leur tournée européenne et chaque soir, je voyais tous ces gens différents assister à leur spectacle. C’est ce qui m’a permis de réaliser à quel point la musique que j’écoutais en grandissant était devenue un phénomène calculé. Généralement, lorsqu’on assiste à un concert rap, que ce soit à Toronto ou à New York, les gens sont habillés pour la circonstance. Ce n’est plus un concert, c’est un défilé de mode", estime K-OS. Et, selon lui, c’est ce qui explique pourquoi bien des gens ne vont pas voir des concerts rap: "Si on n’est pas vêtu de la bonne façon, on se sent déplacé."
À la suite de cette prise de conscience, K-OS décida que dorénavant, il composerait des chansons traduisant ses goûts musicaux, peu importe le style. C’est donc dans cette atmosphère d’ouverture d’esprit et de créativité qu’est né Joyful Rebellion, le second disque du volubile artiste. "C’est bien plus facile pour moi de composer des chansons si je reste moi-même, c’est-à-dire celui qui a grandi en écoutant des albums de Neil Young, Bob Marley, The Police, les Beatles ou Stevie Wonder, au lieu d’essayer de correspondre aux standards. Plutôt que d’avoir peur de ma différence, j’ai décidé de l’embrasser. C’est ça, être rebelle", observe K-OS. Mais pour écrire du bon rap, il ne suffit pas d’être soi-même, précise-t-il toutefois: "Il faut aussi savoir écouter ses émotions, car le cœur ne ment jamais. Je ne suis pas sûr que mon prochain disque sera aussi réussi que Joyful Rebellion. Par contre, si j’écoute mon cœur, il y a de grandes chances qu’il ne soit pas trop mauvais."
Le désir de K-OS de faire craquer les codes du rap se manifeste encore davantage par sa collaboration avec le rockeur Sam Roberts. Certains diront qu’il s’agit d’une association inattendue, mais certainement pas le rappeur. "Sans être trop intellectuelle, Dirty Water montre à quel point il est facile pour deux artistes différents de travailler ensemble. Dirty Water n’est pas une chanson rock avec une mélodie hip-hop. Ce n’est pas non plus une chanson hip-hop avec du rock. C’est juste une chanson. Avant de l’enregistrer, Sam et moi avons une discussion au sujet de toutes les chansons rap-rock qui n’ont pas fonctionné, comme celles de Limp Bizkit, par exemple. À notre avis, le seul morceau rap-rock qui traduit véritablement l’essence des deux genres, c’est Walk This Way, d’Aerosmith, avec Run-D.M.C., car ils ont su rester eux-mêmes. C’est ce qu’on voulait pour Dirty Water", explique-t-il.
Pour créer de la musique, K-OS doit aussi se sentir libre. C’est pour cette raison qu’il préfère se concentrer sur l’instant présent, et ne pas penser au succès de Joyful Rebellion, que ce soit au Canada ou ailleurs. On pourrait même dire qu’il n’a pas d’attentes particulières par rapport à sa réussite, surtout en ce qui concerne le marché américain où l’album est également disponible: "Pour moi, les États-Unis, c’est comme une belle femme: si elle t’aime, tant mieux; sinon, pas question de lui courir après, car ça peut fonctionner seulement si elle vient à toi d’elle-même. De toute manière, je crois qu’il est plus important de se concentrer sur son voisinage immédiat avant d’aller voir ailleurs", dit-il.
De la même façon, K-OS ne considère pas devoir quoi que ce soit à son étiquette de disques Virgin/EMI. "Je ne travaille pas pour eux. Ce sont plutôt les gens du label qui travaillent pour moi. Cette façon de voir les choses m’a causé des problèmes dans le passé, mais ça ne peut pas être autrement. Je ne vois pas comment je pourrais travailler pour des personnes qui ne connaissent rien à la musique. Ce qui ne veut pas dire pour autant que je ne les respecte pas", assure le rappeur au franc-parler. Comme sa musique, qu’il veut honnête et sans fausses prétentions, K-OS garde les pieds sur terre et ne veut jamais oublier ses débuts: "Je ne veux pas oublier comment je me sentais à 12 ans, quand je ne savais pas comment j’allais parvenir à transformer ma passion pour la musique en carrière. Je ne vois pas comment je pourrais aider d’autres jeunes à réaliser leur rêve si j’oublie cette époque", s’exclame K-OS. Il est même persuadé que si tous les rappeurs se souvenaient de leurs débuts, plutôt que de se laisser transporter par leur ego et l’argent, il y aurait davantage de bonne musique. Mais surtout, conclut-il avec philosophie: "Il faut rester humble et garder à l’esprit qu’il y a toujours quelqu’un au-dessus de soi."
Le 8 janvier
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