Habib Koité : Sagesse d’ébène
Le chanteur malien Habib Koité réussit à intégrer différentes traditions musicales de son pays dans une œuvre unique, douce, chaleureuse, intime et imprégnée d’une forte spiritualité.
Depuis plus d’une dizaine d’années, Habib Koité s’avère l’un des représentants les plus attachants de la chanson africaine contemporaine. Son cheminement s’est fait à travers plusieurs "moments forts d’apprentissage". D’abord comme étudiant et rapidement comme enseignant à l’Institut national des arts de Bamako: "Ma passion pour la guitare trouvait un lieu pour s’exprimer. On m’a vite confié le poste de chef d’orchestre. Je pouvais avancer des idées, c’était le paradis pour moi. Puis, j’ai beaucoup joué dans la rue, dans les clubs: du jazz, du hip-hop, George Michael. Par la suite, ma curiosité m’a amené à découvrir plusieurs styles différents au Mali. J’essayais d’aller à l’intérieur des rythmes et de les transposer à la batterie. Tout ça avec respect, en chantant dans la langue de tel groupe ethnique."
Habib Koité vient d’une lignée de griots Khassonké situés dans l’Ouest du pays, près du Sénégal. Le style principal joué par Habib est fondé sur la danssa, un rythme populaire développé dans sa ville natale de Keyes. Danssa doso, c’est ainsi qu’il désigne son art. Le doso fut longtemps l’instrument favori de la confrérie des chasseurs pour exprimer la méditation, la bravoure et le respect de la nature. Koité est aussi reconnu pour son jeu de guitare original. Il joue du kamele n’goni, un instrument traditionnel à quatre cordes dont se servaient précisément les chasseurs. La sonorité s’apparente beaucoup à celles du n’goni et de la kora (harpe à 21 cordes): "À l’Institut, j’ai expérimenté, transposé de la musique traditionnelle pour n’goni ou pour kora sur une guitare classique." Il ne faut pas forcer le lien entre la musique du Mali et le blues nord-américain: "Ce qui est intéressant à souligner, c’est que, dans les deux cas, il s’agit de musiques fort senties, qui offrent un caractère spirituel. Le point de départ est solitaire. C’est très intime et… mélancolique."
La musique de Habib Koité et de Bamada (pour la plupart, des amis de jeunesse qui jouent ensemble depuis plus de 15 ans) renoue avec les sources pour mieux s’inscrire dans le présent: "La tradition est déjà le résultat de quelque chose qui l’a précédée. La musique est un tremplin pour traverser les siècles." C’est dans cet esprit que Koité n’a pas hésité à vivre une expérience avec l’Art Ensemble of Chicago, "belle rencontre de cultures et de générations".
Comme chez Rokia Traoré, les textes de Koité reflètent l’attitude de tolérance si chère aux Maliens: "Nous sommes liés par des amitiés fortes." Ils manifestent aussi un infini respect pour les petites gens et leurs métiers: agriculteurs, éleveurs, cheminots. Koité remet en question ce mythe qui consiste à croire qu’on puisse vivre sans argent: "Nous sommes l’un des pays les plus pauvres sur la planète. On a besoin de sortir de cette pauvreté. Le rôle du musicien vise alors à encourager, à donner de l’espoir." Koité s’inquiète aussi des gestes inconsidérés des hommes à l’endroit de la nature: "Chez nous, on perd la faune. On connaît le phénomène de la coupe des arbres, de la désertification. Les arbres n’existent plus, les oiseaux s’en vont. J’ai vu des cours d’eau disparaître en moins de 25 ans. Et notre fleuve, le Niger, commence à partir en douce…"
Le 30 janvier
Au Kola Note
Voir calendrier World / Reggae