Sum 41 : La somme de toutes les peurs
Musique

Sum 41 : La somme de toutes les peurs

Les gars de Sum 41 assagis? Difficile à concevoir. Mais au fil des engagements humanitaires et des tournées sans histoire, quelques ballades s’intègrent à leur punk-rock métalloïde. Signe que les choses changent. Un tant soit peu.

Leur sens de l’humour et de la fête est notoire, tout comme la variété du terrain qu’ils explorent sur l’échelle du bon goût et sur le spectre musical. Il en va de même pour leurs vidéoclips, aussi amusants que décapants, leurs proverbiaux écarts de conduite sur la route ou leurs mythiques vertus en gestion de groupies. Issus de la banlieue torontoise, ces quatre jeunes punk-rockers dans la mi-vingtaine, férus de eighties métallurgiques et de refrains accrocheurs, auront conquis et diverti le monde entier, en plus d’en découvrir certains recoins moins fortunés que la douillette patrie canadienne.

DOULEUR CONTRE PLAISIR

Après les meilleurs vœux d’usage pour la toute fraîche 2005 et d’inévitables observations sur les immenses vagues ayant balayé les rives de l’océan Indien quelques jours plus tôt, le bassiste Jay "Cone" McCaslin rapporte les moments forts de la récente tournée nord-américaine avec les potes de Good Charlotte, des vacances de Noël passées à la maison avec famille et amis, puis de ces retrouvailles vivement célébrées avec le sauveur du groupe, Chuck Pelletier, un peu plus tôt cet automne. "Oui, on a revu Chuck à Vancouver. On est sortis boire. C’était complètement fou! Les choses ont un peu dégénéré; on l’a fait boire jusqu’à ce qu’il dégueule! s’esclaffe-t-il, lui-même pas totalement remis des excès du Nouvel An. En fait, on va le revoir au cours de cette tournée canadienne; il va probablement se venger…"

Les quatre musiciens lui devaient bien ça. Soldat canadien retraité devenu volontaire pour les Nations Unies en République démocratique du Congo, Pelletier avait tiré Cone et ses compères Deryck Whibley (chant, guitare, claviers), Dave Baksh (guitare) et Steve Jocz (batterie) d’un bien vilain pétrin en mai dernier. Le quatuor se trouvait alors à Bukavu, ville touristique de l’est du pays située à quelques kilomètres de la frontière rwandaise, afin de tourner un documentaire sur la guerre et ses impacts sur les enfants, avec l’organisme War Child Canada. Quelques jours après l’arrivée des membres du groupe, les affrontements jusque-là sporadiques entre l’armée et les troupes rebelles se sont soudainement intensifiés puis rapprochés de leur hôtel, où logeait également Chuck. Au terme de presque deux jours d’hostilités les confinant à l’hôtel, ce dernier et quelques collègues (Sébastien Lapierre et Igor, notamment) sont finalement parvenus à faire évacuer, en autobus, la quarantaine d’occupants de l’hôtel jusqu’à l’aéroport, où les attendait un autre héroïque personnage, le pilote Larry, qui décollait aussitôt pour Entebbe, en Ouganda, sur les berges du lac Victoria.

TOUS À BLÂMER

En plus d’amener le groupe à nommer son dernier album Chuck (Aquarius, octobre 2004), cette rocambolesque mésaventure aura profondément marqué les membres de Sum 41. "C’est sûr que je n’oublierai jamais le moment où la bataille a débuté, et aussi toutes ces entrevues qu’on a faites avec d’anciens enfants-soldats puis de jeunes victimes de viol. Des histoires vraiment horribles! se souvient Cone, convaincu de l’utilité de tels efforts humanitaires. Je crois que ça peut aider puisque après notre retour, il en était régulièrement question sur notre site Internet; certains n’étaient pas au courant de l’existence de ce phénomène et plusieurs se sont informés sur les manières possibles d’aider ces jeunes de la guerre. C’est ce qui nous a menés là-bas au départ; on savait que plusieurs ignoraient ce qui se passait…" Si des expériences aussi traumatisantes font voir d’un tout autre œil les menus bonheurs de la vie, elles permettent également de constater la grande valeur de chaque petit geste, comme lors de la dernière campagne électorale américaine, pendant laquelle la formation s’est démenée à tenter de convaincre les jeunes d’aller voter. "J’ai été tout de même surpris des résultats, confesse le musicien. J’ai franchement cru que Kerry allait s’en tirer… Eh non, encore quatre ans! Mais il y a tout de même eu, quoi, quelque chose comme 20 millions de nouveaux électeurs cette année? C’était au moins un bon côté! Même s’ils n’ont pas voté pour la bonne personne (rires), au moins ils se sont engagés et ont fait valoir leur opinion. C’est une partie du combat…"

MIEL ET VENIN

Sur le plan musical aussi, les intérêts se diversifient. Alors que les accents métalloïdes s’affûtent sur Chuck (We’re All to Blame, The Bitter End, 88), quelques ballades assorties de cordes et de piano s’immiscent dans le répertoire du groupe, comme par exemple Slipping Away, ou le nouvel extrait, Pieces. Lors d’une récente prestation du groupe au Late Show with David Letterman, le meneur Deryck délaissait pour la première fois sa guitare au profit d’un clavier. "Je crois qu’on a progressé par rapport à l’album précédent, estime Cone. Chuck est vraiment heavy par moments, plus que All Killer, No Filler (2001), je dirais… Et je crois que c’est ce à quoi les gens s’attendaient après Does This Look Infected? (2002). On a juste, naturellement, écrit de nouvelles pièces plus lourdes. On ne sait pas trop ce que nous réserve la suite et peu importe; je crois que, dans l’ensemble, on parvient à écrire de meilleures chansons… On a aussi fait des morceaux plus doux sur cet album, ce qu’on n’avait jamais fait auparavant. Certains parlent de maturité; je dirais plutôt que nos goûts s’élargissent. On n’a plus le sentiment qu’on ne peut pas écrire dans certains genres en particulier… Il y a trois ans, on aurait sûrement dit: "Ça ne peut pas se trouver sur un album de Sum 41!" Maintenant, on s’en tape; on peut faire tout ce qu’on veut…" Et honnêtement, Cone, la bande s’est-elle vraiment rangée en tournée? "Parfois, c’est dément, alors que d’autres fois, c’est bien tranquille, confie-t-il. Au début, ce n’était jamais tranquille, mais maintenant, il y a de grandes périodes d’accalmie. Ce qui est bien. Mais par moments, on est encore plus fous qu’avant…"

Le 7 février avec No Warning
Au Théâtre Granada