Nicolas Repac : Concordance des temps
Nicolas Repac s’intéresse aux correspondances musicales intemporelles et revisite hier avec la sensibilité d’un artiste de son temps. Rencontre avec un musicien allumé, compagnon d’Arthur H et compositeur à ses heures.
"Si on te proposait un aller-retour en machine à voyager dans le temps, tu choisirais quoi comme forfait?" La question semble prendre Nicolas Repac de court. On lui a déjà fait le coup des trois disques à prendre avec soi sur une île déserte mais pas celui du périple spatiotemporel. "J’irais dans les années 60 ou 70, décide-t-il après un moment de réflexion. On vit encore aujourd’hui sur le culte de ces deux décennies. Les années 60-70, c’est la révolution. Chaque semaine, dans les palmarès, on trouvait des chefs-d’œuvre. Une semaine Pink Floyd, l’autre les Beatles, puis les Stones…"
Un choix étonnant? Si l’on tient compte des projets récents du guitariste et bidouilleur français, plutôt. On pense ici au remarquable album Swing-Swing, dont le programme est le fruit d’une relecture très actuelle des riches heures du jazz des années 20 et 30. Ou encore à sa participation, ces jours-ci, à la conception de l’album "montréalais" d’Arthur H (coproduit par Jean "Lhasa" Massicotte), qui lui permet de faire trempette dans des univers appartenant aux 19e et 20e siècles ("pour un morceau, je suis parti sur des samples avec Vivaldi", confie-t-il).
Au-delà de ces intérêts plus récents subsiste un amour du rock né très tôt. "Enfant du manche", le petit Nicolas rêvait de devenir guitar hero ("j’ai découvert Chuck Berry à cinq ans…"). Avec le temps, il a fait reculer ses horizons. Aujourd’hui, il se réclame aussi bien de James Brown, de Miles Davis que de Tom Waits, et assume aussi le legs des premiers "platineurs", qui ont surgi fin 80-début 90. "J’ai reçu la claque infligée aux musiciens par les D.J., ces nouveaux êtres mutants", dit-il. C’est ainsi que Repac, musicien autodidacte, en est venu à se procurer des échantillonneurs et à s’initier à l’électronique, une initiative qui s’avéra féconde. "Quand on n’y connaît rien, on devient créatif. J’invente des solutions parce que j’ai peur de la technique", reconnaît-il.
Maintenant, Nicolas Repac s’amuse à utiliser les outils de son temps pour faire se rencontrer les grands esprits appartenant à diverses époques. En phase avec son âge, il regarde derrière pour voir ce qui vient devant. "C’est une loi. Tu regardes toujours dans le passé, croit-il. On a bien besoin de cet héritage. Comme on dit, on n’invente jamais, on réinvente toujours (…) la même chose."
Fruit d’une intuition affective plutôt que d’un plan marketing, la musique hors norme de Swing-Swing a trouvé refuge chez une petite étiquette française, No Format, ouverte à la différence (c’est là que Gonzalez a publié son Solo piano). "Le label est né à l’intérieur de Universal, explique Nicolas Repac. Il a l’esprit d’un label indépendant dans une major company." Cette vitrine atypique donne vie à des artistes qui n’existeraient peut-être pas autrement. "J’espère que ça grandira, poursuit-il. L’utopie sert le rêve, et le rêve sert nos vies. Et si on ne montre pas le désir de faire changer un petit peu, à échelle humaine, la grosse machine mondiale…"
JE REVIENDRAI À MONTRÉAL…
Après avoir passé janvier parmi nous, Nicolas Repac rentre en France, où il ne chômera pas ces prochains mois. En plus de mettre la dernière touche au disque d’Arthur H ("le mixage est prévu pour mars"), il parle d’autoproduire un disque de chansons qu’il traîne depuis trop longtemps ("il faut que je règle ça pour pouvoir passer aux suivantes…") et confirme qu’il participera au projet de remixage de l’album Jaune de notre Ferland national ("je plancherai sur God Is an American!"). Enfin, bonne nouvelle, Nicolas Repac reviendra à Montréal à l’été pour présenter Swing-Swing au Festival de Jazz. "J’ai bien peur que oui…", confirme-t-il en riant. Il faudra remercier le FIJM pour faveur obtenue.
Nicolas Repac
Swing-Swing
No Format / Universal