Patrick Saussois : Musique de synthèse
Le guitariste français Patrick Saussois allie de brillante façon le style manouche développé par Django Reinhardt et la tradition afro-américaine. Lauréat du Prix Sidney-Bechet 2003, il fait partie des grands.
Patrick Saussois
est d’origine manouche par sa mère et sera ainsi inspiré, à ses débuts, par la musique de Django Reinhardt. Vers le milieu des années 70, il découvrira avec bonheur les grands guitaristes américains du bop et du hard-bop: Barney Kessell, Tal Farlow, Johnny Smith, Kenny Burrell, Grant Green et surtout Wes Montgomery. Au début des années 80, les guitaristes de tradition manouche auxquels nous sommes d’abord exposés fraient beaucoup avec le jazz: Christian Escoudé, Boulou Ferré, Biréli Lagrène. Il faut presque attendre le début des années 90 pour découvrir des musiciens exprimant la tradition de façon plus orthodoxe: Raphael Fays, Stockelo Rosenberg, Angelo Debarre, Yorgui Loeffler, Rodolphe Rafaelli. Saussois distingue bien ces étapes et tente de situer sa place: "Moi, au départ, j’ai été confronté à plusieurs musiciens de jazz. Dans les années 70 et 80, le style manouche n’intéressait personne. Pas plus les médias. Le regain d’intérêt est apparu dans la mouvance de la world music." De la même manière que les Noirs américains ont su adapter des traits musicaux de la culture classique européenne, Django a su intégrer le swing et le bop dans son univers propre.
Dans le même ordre de réflexion, nous pouvons nous demander comment s’est forgé le jeu de guitare de Saussois. A-t-il été influencé par le phrasé des instruments à vent? "Je n’ai pas cherché à faire des phrases à la guitare. Je suis gaucher. Cela m’a permis d’éviter de prendre des clichés. À la guitare électrique, j’ai été influencé par le jeu du saxophoniste Lucky Thompson, dont le discours est très logique, presque mathématique." Au milieu des années 80, Saussois travaille régulièrement avec le grand accordéoniste Jo Privat, lance la revue Swing Journal et fonde une maison de disques, Djazz, qui compte une centaine de titres, toujours avec ce souci de mettre le jazz en "perspective".
En 1996, il met sur pied une formation régulière, qui a pour nom Alma Sinti et qui vient tout juste de faire paraître un quatrième disque: "Jo Privat venait de mourir. J’avais réalisé surtout des disques de jazz. Je voulais faire une synthèse des différents types de musique que je jouais: swing, manouche, musette." L’accent est mis sur le dialogue guitare-accordéon, mais l’ensemble adopte différentes formules: clarinette et deux ou trois guitaristes rythmiques, ou encore le piano de Stan Laferrière. Par ailleurs, de passage au New Jersey, le guitariste a enregistré il y a deux ans un disque avec l’un des grands saxos et arrangeurs américains des 30 dernières années, Ritchie Cole.
Du 1er au 10 février, il effectue une tournée nord-américaine, dont plusieurs concerts prévus dans des États de l’Ouest américain ou dans la banlieue de San Francisco, ceci confirmant que les jeunes qui découvrent le swing manouche proviennent des milieux du folk ou de la world music: "La plupart de ceux qui jouent cette musique-là ne viennent pas du jazz. Dans des ateliers, je dis aux jeunes: "Jouez du jazz!""
Le 6 février à 20 h 30
À l’Impérial
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