Pierre Lapointe : Comme un petit roi fatigué
Musique

Pierre Lapointe : Comme un petit roi fatigué

Pierre Lapointe, la première fois que j’ai entendu sa voix, c’était à la radio de Radio-Canada, à l’émission Les Refrains  d’abord.

Monique Giroux y vantait, dithyrambique comme à son habitude, le jeune prodige de 20 ans et le classait déjà dans la catégorie des plus grands chanteurs francophones de notre temps. Je trouvais qu’elle en mettait un peu jusqu’à ce que la chanson commence. À mesure que les mots se succédaient et s’additionnaient pour se rendre jusqu’à la fin de la mélodie et créer la magie, ç’en était fait de moi, mon plaisir grandissait, mes émotions se décuplaient et, la chanson terminée, j’en voulais encore. Mais d’où venait donc cette voix énigmatique, intemporelle, qui crée à elle seule tout un monde d’atmosphères, le monde d’un être lumineux qui se laisse entrapercevoir à travers chacune de ses petites histoires aux musiques appropriées?

Pierre Lapointe, la première fois que je l’ai vu, c’était à l’Auberge Île-du-Repos de Péribonka, en juillet 2004. J’étais assise, fébrile, juste devant la scène d’une petite salle bondée de fans qui en étaient eux aussi, pour la majorité, à leur première rencontre avec le personnage. D’entrée de jeu, le "dandy aux pieds nus" avait vite fait de s’imposer, en mystérieux interlocuteur, à un public vendu d’avance, très enthousiaste et qui connaissait ses rengaines. Et malgré la présence de musiciens complices, le chanteur avait crevé la scène, tout seul sur le plateau à nous livrer son immense talent, morceau par morceau. Chaque fois qu’il avait ouvert la bouche, tout le bruit ambiant s’était arrêté pour laisser place à un silence absorbé et palpable. Puis, nous étions sortis doucement dans ce début de nuit d’été, à peine rassasiés, et au-dessus de nos têtes, des aurores boréales envoûtantes s’étaient à leur tour données en spectacle. Il est resté longtemps près de nous, sans parler, à contempler le ciel.

Comme un enfant au regard trop grand qui dit des choses graves, Pierre Lapointe nous ravit et nous fascine. Qu’il s’adresse à nous pour nous apostropher ou à la petite fille laide pour lui déclarer son amour, sur le bout des pieds et sur le bout de la langue, il nous transporte et nous chavire. Qu’il parle de mort ou parle d’amour, le ton est saisissant et juste et nous atteint profondément. Chaque chanson est un concentré de vie ou un bref instant volé au chaos. Le point de vue est toujours incisif et brillant, et les mots cachent souvent des secrets à peine voilés.

Pierre Lapointe, la prochaine fois que je le verrai et l’entendrai, c’est à l’Auditorium d’Alma pour son spectacle La Forêt des mal-aimés, le 10 février prochain. Il sera accompagné de quatre musiciens, dont Philippe Brault à la contrebasse qui, avec lui, a concocté de nouveaux arrangements pour ses airs connus. Un nouveau décor, cinq chansons inédites et un artiste qui, semble-t-il, a pris suffisamment d’assurance pour laisser tomber son personnage de "fendant" et nous offrir un tout nouveau spectacle à la mesure de son art, de nos attentes et de notre amour pour lui.

Le 10 février à 20h
À l’Auditorium d’Alma
Les 12 et 13 février à 20h30
Au Côté-Cour

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