SEATTLE, P.Q.? : Notes musique
La semaine dernière, j’ai passé sous silence un article du magazine musical Spin qui, dans son numéro de février dédié aux "next big things", choisissait Montréal comme étant THE prochaine scène musicale à surveiller. Semble-t-il que nos voisins du sud viennent de se réveiller, nous couronnant donc, dans cet article de cinq pages, du titre d’"officially cool". Faisant mention des Unicorns, des Dears, The Arcade Fire, Sam Roberts, Kid Koala, Akufen, des Stills et des Georges Leningrad, le journaliste envoyé "au front" avait su se retrouver dans le 514, visitant entre autres la Sala Rossa, le Bifteck, la Pharmacie Esperanza, l’Hémisphère Gauche et la SAT.
The Arcade Fire |
Malgré des oublis et quelques erreurs, l’article était somme toute inoffensif et quasiment flatteur; vous pouvez d’ailleurs lire l’excellent commentaire de notre collègue Jamie O’Meara du Hour à ce sujet dans l’édition de la semaine dernière du journal (www.hour.ca/news/news.aspx?iIDArticle=5310). Ce faisant, le tapage de nos héros locaux est également tombé dans l’oreille d’un certain David Carr, journaliste culturel au New York Times. Paraissait donc, le week-end du 5 février, un article, dans la section Arts et Spectacles du Times, intitulé Cold Fusion: Montreal’s Explosive Music Scene. Vu l’omniprésence (bien justifiable) des artistes mentionnées ci-haut dans les Rolling Stone, Blender et autres, on a envoyé Mr. Carr sur la Main, question de comprendre ce qui fait de Montréal le nouveau "Seattle, Austin, ou Athens, Ga.". Et il n’a rien compris. Il débute en affirmant que, oui, Montréal est la nouvelle Mecque de la musique, mais en spécifiant qu’il s’agit d’une scène uniquement anglophone, ajoutant que le "next big pop movement" ne comprendra pas d’"accordéons ni de crooning chanteuses", merci beaucoup. Mr. Carr, are you fucking kidding me? Il poursuit en ajoutant que la raison pour laquelle la scène musicale montréalaise est si riche et vibrante en ce moment est politique; Carr va même jusqu’à comparer la situation des groupes "anglophones" montréalais censément "exclus" des clubs et des radios à la musique sud-africaine anglophone créée à l’époque de l’apartheid! Aucune mention des groupes francophones qui font autant vibrer Montréal: pour Carr, ils sont non existants, et la diversité culturelle montréalaise n’est pour rien dans notre nouveau statut de bastion du cool. C’est vrai qu’analyser, disséquer l’ADN de ce qui rend ces formations montréalaises, et toutes les autres que le Times a oubliées, si formidables, qu’elles chantent en français ou en anglais, est presque impossible.
The Stills |
Comment expliquer à Mr. Carr que le dernier single des coqueluches new-yorkaises The Stills, comme celui de Melissa Auf Der Maur, tourne à la radio francophone, que les Dears comptent trois membres francophones même s’ils chantent dans la langue de Morrissey, que les gars de Simple Plan viennent de la Rive-Nord de Montréal et de Matane, que Loco Locass fait rimer "Patriot Act" avec "câlisse de saint-ciboire de tabarnac", que Les Cowboys remplissent le Centre Bell et que Jorane a vendu des milliers d’albums en chantant… dans une langue inventée? Évidemment, le geste est flatteur. Que l’industrie internationale reconnaisse la richesse du talent montréalais est extraordinaire. Par contre, disons seulement qu’il faudra un peu plus de temps, et d’ouverture d’esprit typiquement montréalaise si souvent citée dans les récents articles, pour que Carr (et tous les autres qui déferleront sur Seattle, P.Q.) entendent et comprennent tout ce qui se fait de bien chez nous.