Spécial St-Valentin – Les chansons d’amour : Écoute qu’on s’étende

Des chansonnettes romantiques aux slows langoureux, la musique occupe une place importante dans la vie amoureuse et sexuelle de l’homo sapiens. Même si les explications rationnelles n’abondent pas, un spécialiste a bien voulu partager ses principales pistes de recherche sur la question, alors que des musiciens confessent leurs préférences en la matière.

"Ma toune d’amour préférée, ça serait Into My Arms, de Nick Cave, confie Éric Goulet (Les Chiens). C’est vraiment une chanson prenante et sobre en même temps, avec beaucoup de retenue et de passion. Pour ce qui est d’une bonne pièce sensuelle, c’est vraiment cliché, mais ça serait Je t’aime moi non plus (Serge Gainsbourg). Et un grand slow? Sûrement Love Hurts, qui, en passant, n’a pas été écrite par Nazareth mais par Boudleaux Bryant, un compositeur de Nashville…"

AUDIO PHÉROMONOLOGIE 101

Pour David Huron, directeur du Laboratoire de musicologie cognitive et systématique de l’Université d’Ohio, deux principaux facteurs entrent en ligne de compte. D’abord, l’ocytocine, hormone de l’amour. "Elle contribue entre autres à la formation de liens affectifs; si tu en as plein le corps, tu auras tendance à bien t’entendre avec les gens, explique-t-il. Une autre caractéristique intéressante de cette hormone, c’est qu’elle est associée de très près à la mémoire." En guise d’illustration, M. Huron donne l’exemple d’une personne impliquée dans un accident de voiture qui reste prisonnière de son véhicule un bon moment avant l’arrivée des secours. En supposant que la radio ait survécu au choc, une puissante association négative sera développée envers toute musique entendue en cette occasion. "Cette hormone est libérée lors d’émotions extrêmes, qu’elles soient positives ou négatives!"

"J’en ai quasiment honte, mais c’est sincère: un slow dont je me souviens très bien, c’est Still Loving You des Scorpions, même si je ne suis plus capable de l’entendre!" confesse en rigolant Suzie McLelove (Breastfeeders), ajoutant trouver très sensuelle la voix d’Otis Redding. Quant à son compère Luc Brien, c’est la guitare des Kingsmen, sur la pièce Fever, qui l’allume. "Elle est tellement vicieuse! C’est un chef-d’œuvre de guitare cochonne!" expose-t-il, ajoutant avoir aussi été grandement marqué par LE slow de Twisted Sister, The Price, et la chanson d’amour God Only Knows, de Brian Wilson.

L’association romantico-acoustique peut également résulter d’une erreur d’attribution, signale M. Huron, relatant une étude menée en Colombie-Britannique dans les années 70. Leur faisant croire à une tout autre expérience, Donald Dutton et Arthur Aron ont comparé le comportement de jeunes hommes envers une très jolie femme, après leur avoir fait traverser des ponts piétonniers enjambant le canyon Capilano, au nord de Vancouver. Une partie des cobayes avait à franchir un pont fixe de béton, alors que l’autre échantillon devait traverser un pont de bois suspendu, nettement moins rassurant. Après chaque passage, la charmante jeune dame, jouant le rôle de responsable de l’expérimentation bidon, laissait aux hommes son numéro de téléphone personnel et leur offrait son aide s’ils avaient des questions sur la soi-disant expérience. "Ceux qui avaient pris le pont suspendu et vacillant ont été beaucoup plus nombreux à l’appeler et à lui proposer un rendez-vous, rapporte M. Huron. Ils ont associé leur sensation de vertige à des sentiments amoureux, ce qui peut aussi survenir avec la musique…"

AUTOPSIE D’UN SLOW COCHON

Si certaines caractéristiques rythmiques (lenteur) ou tonales (extrémités graves et aiguës de registres) semblent ressortir, les morceaux romantiques ou sensuels favoris des musiciens ayant participé à notre sondage maison surprennent par leur éclectisme. Pour Shantal Arroyo (Colectivo), les voix masculines graves sont des plus efficaces. " Barry White, ça marche au fond! Et Leonard Cohen; j’aime beaucoup son timbre et ses tounes! Quant au slow, j’ai en tête Love Bites de Def Leppard, mais je les haïs tellement!" s’esclaffe-t-elle, mentionnant aussi la poignante Against All Odds (Take a Look at Me Now) de Phil Collins. Fait inusité, la chanson fétiche qu’elle partage avec son copain: "Slayer! Raining Blood! (rires) Ça, c’est d’un romantisme!" Enfin, Pépé et Fire Lewis (Surcharge) retrouvent chez The Ramones les meilleures chansons d’amour, et tous deux se souviennent avoir dansé bien collés sur Love Bites. "J’ai même déjà "frenché" là-dessus! se rappelle Pépé. En quatrième année du primaire, on faisait des partys necking avec des chips et de la liqueur. J’avais des mix de bonnes ballades quétaines…"