Katia et Marielle Labèque : Voyager dans le temps
Les sœurs Katia et Marielle Labèque sont les invitées de l’Orchestre baroque de Venise pour un concert présenté dans le cadre de Montréal en lumière. Sans leurs pianos-forte, mais avec toute leur passion.
Le duo des sœurs Katia et Marielle Labèque s’est surtout fait connaître pour ses interprétations d’œuvres du répertoire contemporain, mais leur grand appétit musical les a rapidement conduites à s’intéresser de très près aux compositeurs des époques antérieures. Les Messiaen, Bartók, Stravinski et Gershwin, très fréquentés à leurs débuts, laissent de plus en plus souvent leur place à Mozart ou Bach. Cet attrait pour la musique "d’avant le piano" les a même incitées à se procurer deux pianos-forte. Elles devaient d’ailleurs transporter ces instruments durant la tournée américaine qu’elles amorcent avec l’Orchestre baroque de Venise, mais le destin en a décidé autrement… Pour en savoir plus sur cette collaboration, j’ai joint Marielle Labèque par téléphone, à Paris, où le duo participait le 6 février au Festival Présences de Radio France, dans Les Noces de Stravinski.
"On rejouera Les Noces à Berlin avec Simon Rattle, explique Marielle Labèque, et Thomas Adès, qui dirigeait à Paris, sera avec nous à l’un des quatre pianos. J’adore cette musique, c’est tellement bien écrit." N’empêche, on s’étonne un peu de voir le duo se fondre dans un quatuor de pianos, alors que leur agenda de duettistes est déjà très occupé. "Ah, mais il faut changer un peu… Moi, je suis contre les habitudes!" Cependant, Stravinski, justement, semble plus près du répertoire habituel du duo que, par exemple, Mozart. La pianiste n’est pas d’accord: "Vous savez, nous jouons tout autant de la musique contemporaine que des œuvres plus anciennes. Nous avons en quelque sorte évolué, au fil des rencontres et des gens avec qui nous avons travaillé, comme Giovanni Antonini (Il Giardino Armonico) ou Reinhardt Goebel (Musica Antica Köln), et alors voilà, il se trouve que nous aimons beaucoup de choses… Et puis nous avons constaté qu’un certain répertoire, Mozart ou Bach, par exemple, gagnait à être interprété sur piano-forte. Quand on joue ça sur des instruments comme ceux que nous possédons, des copies du Silbermann sur lequel jouait Bach (1746), c’est une tout autre sensation. Seulement, ces instruments sont très fragiles, et le mien a été endommagé durant notre dernière série de concerts… Alors il est pour trois mois à la clinique!"
Il faudra donc attendre leur troisième visite pour entendre le duo de piano-forte des sœurs Labèque. "On est très contentes de revenir au Canada; la première fois, c’était avec Charles Dutoit. C’est drôle, beaucoup de gens croient que nous sommes canadiennes, à cause de la ressemblance entre Labèque et Labrecque, mais nous sommes d’origines française et italienne." Cependant, leur visite n’en est pas moins intéressante, puisque le changement de programme nous permettra de les entendre interpréter le Concerto en fa majeur K.242 et la Sonate en ré majeur, pour deux pianos, de Mozart. Et puis, tout de même, il y aura aussi l’Orchestre baroque de Venise et son fondateur Andrea Marcon! "Ce sont des gens dont nous aimions beaucoup le travail, explique Marielle Labèque. Nous les avons rencontrés, et voilà! Pour nous, c’est encore une occasion de progresser; nous avons beaucoup appris en travaillant avec des ensembles baroques. Personnellement, j’ai vraiment eu un choc quand j’ai entendu Les Quatre Saisons par Il Giardino Armonico, et c’est un peu ce qui m’a lancée sur la piste. Comme nous ne sommes pas clavecinistes, nous sommes allées vers les instruments de Silbermann, dont Bach jouait vers la fin de sa vie et qui sont les instruments ayant fait la transition entre le clavecin et le piano. Ç’a été un coup de cœur, une question de désir." Mais les pianos-forte, c’est comme la passion: "Malheureusement, quand ça casse, ce n’est pas comme un Steinway, on ne peut pas simplement en louer un autre…"
Le 21 février
Au Théâtre Maisonneuve
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