Kasabian : La grande séduction
Kasabian a réussi à faire manger l’Angleterre dans sa main. Le groupe nourrit maintenant une nouvelle ambition: charmer l’Amérique.
Passant en revue une année 2004 plutôt brillante, Sergio Pizzorno abaisse soudainement sa garde: "Ça me fait halluciner quand j’y pense, s’exclame l’homme-orchestre de Kasabian. On espérait que ça décolle, mais pas à ce point-là…" Cet aveu presque candide tranche avec la ligne officielle du parti ("c’était écrit dans le ciel", "on est les meilleurs"…) qui se fait généralement entendre lorsque les journalistes sortent leur magnétophone.
Mais bon, quand on a lancé un des meilleurs disques de rock de l’année (fraîchement paru chez nous), amadoué masses et médias, joué les têtes d’affiche lors des grands festivals, il y a de quoi s’exciter. En effet. Sauf que maintenant, tout est à refaire. Rendre la Grande-Bretagne complètement gaga, c’est une chose. Mettre l’Amérique dans sa petite poche en est une autre.
À l’occasion de sa première tournée nord-américaine (comme réchauffe-scène pour The Music), Kasabian se pose en challenger, ce qui ne déplaît pas à Sergio Pizzorno. "Je ne vois rien de mal à jouer les seconds couteaux après avoir triomphé à domicile. On n’aura droit qu’à une demi-heure, mais on jouera avec la même intensité que si on était devant 300 000 fans à Glastonbury, dit le mec en relançant sa cassette. Si ça marche bien, on reviendra." Cette fois-là, il va sans dire, pour occuper seul le haut de l’affiche.
FILS DE…
Bon sang ne saurait mentir. L’hémoglobine plébéienne coulant dans ses veines fait de Kasabian le digne descendant des Stone Roses et d’Oasis, fameux porte-étendards du rock de masse grand-breton.
Comme ses aînés, le quintette de Leicester a mangé son pain noir avant de goûter la gloire sur son territoire. Comme ses aînés, il a bossé et bossé encore, remis sa musique 100 fois sur le métier avant de trouver sa formule, mélange de grooves imparables, de guitares menaçantes et de claviers crépusculaires. Belles gueules, sens esthétique réfléchi et talent indéniable pour la provocation viennent bonifier le C.V. Ces garçons-là ont le profil de l’emploi.
Réputé pour ses propos incendiaires, Kasabian ne se gêne pas pour tirer sur tout ce qui bouge. Enfin, c’est ce qu’on avait ouï dire. Au bout du fil, Sergio Pizzorno se montre étonnamment diplomate, reconnaît que "le contenu des palmarès n’est pas si merdique qu’on le pense", et trouve même quelques mots doux pour sa bonne fée, l’infect combo The Music, qui l’a "si gentiment invité à participer à cette tournée".
Mais chassez le naturel et il revient au grand galop. Appelé à commenter l’étiquette de "groupe politisé" attribuée à Kasabian, Sergio Pizzorno monte sur ses grands chevaux. "On a une conscience sociale, d’accord, mais elle n’est que le reflet d’un mode de vie, croit-il. Les politiciens, eux, sont tous des pourris, des tricheurs. Nous, on fait de la musique pour le bon plaisir du peuple. Apporter un peu de joie à des gens qui travaillent fort. Sans plus." Voilà qui a au moins le mérite d’être honnête, même si ça coule de la cassette officielle…
Le 24 février
Au Cabaret La Tulipe
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