Bob Walsh : Avoir le blues
Bob Walsh, 25 ans de métier plus tard, continue de trimballer sa guitare aux quatre coins du Québec et s’arrête deux soirs à La Tulipe. Rencontre.
Il y a ceux qui chantent le blues et les autres, beaucoup plus rares, qui sont le blues. Bob Walsh est de ces derniers: depuis trois décennies, il incarne presque à lui seul le blues d’ici.
Musicien autodidacte né à Québec, Walsh a été presque forcé de s’intéresser à cette musique qui lui venait des tripes: "Curieusement, le blues est arrivé dans ma vie par les journalistes de Québec! C’est la première chose qu’on a écrite à mon sujet: notre bluesman de la rue Saint-Jean…, alors que je me considérais comme un chanteur de folk! Je crois que c’est à ma manière d’interpréter les chansons qu’on a compris que j’étais un bluesman, avant que je m’en rende compte moi-même." Walsh reconnaît alors qu’il sait faire résonner les paroles viscérales dont est tissé le blues. "Et le folk aussi. Pour moi, c’est du pareil au même. On y parle de pauvreté, de guerre, d’amours déçues. Une chanson comme Summertime n’était pas un blues au départ, c’était presque un opéra. Mais quand tu écoutes les paroles – ça dit quelque chose comme: mon petit bébé, ton père et ta mère vont prendre soin de toi malgré tout ce qui se passe autour -, eh bien, tu te dis que ça peut très bien être un blues. L’essentiel, c’est que la chanson soit poignante."
Lorsqu’on fait le calcul, on s’aperçoit que Bob Walsh a donné 200 spectacles par année en moyenne, pendant 25 ans, à raison de trois sets par soir. Grand total: 15 000 sets! Usé? "De la musique, plus j’en fais, plus j’en veux. J’évolue à chaque spectacle, je cherche à travers les mélodies que nous avons à jouer une nouvelle façon de les interpréter. Souvent, ce sont les musiciens qui me donnent un aspect différent à entendre. On se nourrit entre nous. Et je ne peux pas prendre ma retraite, je n’ai jamais travaillé! (rires) J’ai encore un plaisir fou à être sur scène."
Walsh s’amuse beaucoup avec les gens dans la salle, car avec les années il a appris à jouer de cette chimie spéciale qui se développe entre un public et son band. En plus, d’une soirée à l’autre, il ne sait jamais ce qu’il va jouer! "On y va avec le feeling de la salle et celui du chef d’orchestre. Et on fait beaucoup de demandes spéciales: si un spectateur crie un nom de chanson, on peut décider de la jouer sur-le-champ. On est rodés à ce point-là… on est comme un juke-box! C’est ce qui rend le spectacle original chaque soir."
Surtout que le public, lui, se renouvelle toujours, grâce notamment à sa participation au film Gaz Bar Blues et à ses spectacles qu’il donne maintenant dans des salles, et non dans les bars. Ainsi, la vaste majorité de ceux qui entendent Walsh aujourd’hui ne sont pas des oiseaux de nuit, mais des gens qui dormaient sagement pendant qu’il trimballait sa guitare dans les bars enfumés du Québec…