Diane Tell : Quoi de 9
Diane Tell, après neuf ans d’absence, refait surface avec Popeline, un superbe album concocté à la maison, dans le Sud de la France, et finalisé dans plusieurs studios, dont le mythique Abbey Road. Rencontre avec une artiste complète et unique.
Si certains chanteurs désirent être omniprésents dans les palmarès et les médias, Diane Tell, elle, préfère s’accorder du temps pour la réflexion, pour sa vie privée et surtout pour la réalisation du meilleur album possible. Elle refuse de décevoir ou de se décevoir, joue sa vie sur chacun de ses disques. Si son nouvel opus était prêt depuis déjà longtemps, son perfectionnisme a fait qu’elle l’a revu jusqu’à en être satisfaite, d’où l’interminable attente infligée à ses fans malgré la sortie d’un best of et la réédition de ses anciens disques pour les faire patienter. Aujourd’hui, Diane est en paix avec elle-même, amoureuse et équilibrée.
Enfin, après neuf ans d’absence, un nouveau disque.
"J’ai eu besoin de temps et j’ai construit ce disque sur plusieurs années. Sa grande particularité, c’est que j’ai travaillé dessus pendant une longue période et non pas à l’issue d’une longue période de break. J’ai commencé à travailler les premières maquettes de 1997 à la fin 99. En 2000, j’ai cherché une maison de disques qui accepterait de commercialiser mon album dans les meilleures conditions. Après quelques négociations, la signature et les premiers enregistrements se sont effectués en 2001. Les suivants, plus précis encore, durant l’année 2002. En 2003, je suis passée par une étape de réécriture et de recomposition pour des chansons dont je n’étais pas satisfaite, pendant que je faisais également le suivi de la sortie du best of et des rééditions de mes premiers opus. Enfin, l’essentiel des enregistrements, des mixages, des quelques remixages supplémentaires et du mastering s’est réalisé en 2004. Je l’ai fini quelques jours avant de me marier. Voilà tout ce que j’ai fait en sept ans pour en arriver là aujourd’hui, en face de toi."
Pourquoi mettre autant de temps?
"Lorsque j’ai écouté les maquettes, en 1999, j’ai trouvé que le résultat n’était vraiment pas bon du tout. Je ne comprenais pas que la maison de disques ait accepté de me signer avec de telles chansons. J’ai donc voulu tout reprendre du début pour apporter quelque chose d’écoutable, que je sois fière de défendre. Il ne reste des premières maquettes qu’une chanson et demie."
Tu as été omniprésente dans la création de ce disque. Te sens-tu une artiste complète?
"Non, même si j’ai réalisé moi-même l’album et que je me suis chargée des programmations, des claviers, des chœurs et de l’édition des titres sur Pro Tools. J’aime m’occuper de tout, même si je ne suis pas pour autant capable de tout faire."
Tu n’as pas confiance dans les autres?
"Travailler avec un autre réalisateur, c’est bien souvent collaborer avec une personne qui veut plaire à la maison de disques, plutôt qu’à l’artiste. C’est le meilleur moyen de rester sur les petites tablettes des majors pour se faire allouer d’autres contrats juteux. Cependant, il existe même pire dans cette démarche: les producers anglo-saxons adorent travailler avec une maison de disques française afin de toucher facilement de 80 à 90 000 euros, et ce, sans prendre le risque de se faire descendre par les critiques anglo-saxonnes. Comment puis-je faire confiance à ce genre d’individus?"
Avoir un univers particulier comme le tien t’oblige-t-il aussi à tout réaliser toi-même?
"En général, lorsque tu travailles avec des auteurs et compositeurs de renom, c’est que tu recherches avant tout un tube et non à t’exprimer en tant qu’artiste. Comme je ne le fais pas, et que je me refuse à fabriquer de la musique commerciale, je travaille tel un artisan et ce procédé me convient parfaitement. Ensuite, si ce que j’ai écrit devient un standard, à l’instar de Si j’étais un homme, j’en suis fière et ravie. En tout cas, je ne l’ai pas du tout composée pour en faire un succès qui traverse le temps."
Ces dernières années, tes disques ont souvent été téléchargés ou piratés, ce qui t’a conduite à ressortir tous tes premiers albums. Que penses-tu de ce procédé?
"Je ne suis pas contre le téléchargement, le iPod, le MP3 ou tout autre format… En même temps, je ne suis pas tout à fait pour non plus. Tous ces reformatages de la musique, ces compressions abîment le son, c’est indéniable. Pour ma part, le support idéal reste le CD, à condition qu’il soit bien "masterisé". Je défends surtout la qualité et, en la matière, le téléchargement n’offre pas une qualité exceptionnelle."
Tu as participé à deux comédies musicales et tu as refusé de faire Starmania. Cet opéra-rock est rejoué pour les 25 ans de sa création avec un orchestre symphonique. Regrettes-tu de ne pas l’avoir fait?
"Du tout, j’ai bien failli participer à l’aventure Starmania plusieurs fois, au Canada comme en France. Je lançais en même temps mon troisième album, avec le single Si j’étais un homme, et j’ai gagné trois Félix pour ce disque, alors que Berger et Plamondon, à eux deux, qu’un seul. Je ne peux donc rien regretter. Je voulais un rôle original dans une nouvelle production et je l’ai dit fièrement à Michel. Il a répondu "chiche". Un an plus tard, dans un avion pour Biarritz, je tombe sur une interview de Michel Berger qui raconte les grandes lignes de son projet de comédie musicale sur la vie de James Dean… Je me souviens de m’être dit: "Nous verrons bien s’il tient parole!" Il l’a fait et m’a engagée pour jouer le rôle de la groupie, et surtout, il m’a donné la chanson-titre, La Légende de Jimmy. J’ai adoré travailler avec Michel Berger et Jérôme Savary, même si je n’ai jamais été très cliente des comédies musicales comme spectatrice."
Revenir après une si longue absence, est-ce plus difficile?
"Non, il ne faut pas le voir de la sorte. J’ai pris mon temps, donc j’ai aussi pris un temps de réflexion pour chaque étape et pour faire de mon mieux. Si je m’étais précipitée, j’aurais, au final, pris bien plus de risques. Là, je reste convaincue que c’était le disque qu’il fallait que je sorte. Partant de ce constat, je ne vois pas pourquoi une longue absence se révélerait plus délicate pour un quelconque retour."
Tu as décidé de t’installer définitivement dans le Sud de la France, pourquoi?
"J’adore cette région. De plus, je m’y sens bien. Les gens sont agréables et le climat favorable pour bien vivre. Je peux ainsi me reposer et travailler avec beaucoup de sérénité sans l’atmosphère parisienne qui demande sans cesse de "speeder"."
Le Canada ne te manque pas?
"Bien sûr que si, mais je ne boude ni ce pays ni les Québécois. J’y retourne dès que je peux. Mes disques sortent toujours là-bas et j’espère bien aller y chanter dès que je le pourrai. Une partie de moi vient de cette région et je ne suis pas près de l’oublier. Elle fait partie de mon histoire et de mes joies. Les retrouvailles n’en seront que meilleures."
Et demain ?
"Je vis chaque album comme si c’était le dernier… on ne sait jamais!"
Diane Tell
Popeline
(Sony / BMG)