Julie Lamontagne : La leçon de piano
Musique

Julie Lamontagne : La leçon de piano

La pianiste de jazz Julie Lamontagne présente un premier album sur Effendi. Nous assistons à l’émergence d’un beau talent, d’un répertoire très personnel. La relève se porte bien.

De formation classique à l’origine, Julie Lamontagne remporte, dès l’âge de 13 ans, le premier prix du prestigieux Concours de musique du Canada. Peu à peu, elle s’intéresse au jazz et s’inscrit au Collège Saint-Luc, puis à la Faculté de musique de l’Université McGill, dont elle sortira en 1997: "En classique, j’avais toujours eu un intérêt autant pour les pièces contemporaines que pour les pièces romantiques. À McGill, Jan Jarczyk m’a présenté une approche du jazz très moderne." Le premier album de Julie Lamontagne, Facing the Truth, est accompagné de remerciements à l’endroit de formateurs qui ont croisé son chemin: Guy Dubuc, Lorraine Desmarais, André White, Fred Hersch, Steven Bellamy. De Garry Dial, professeur au Manhattan School of Music, elle dit qu’il a changé sa "relation au piano". "Je suis de tempérament assez énergique et enjoué. On travaillait le piano quand il m’a demandé s’il m’arrivait jamais de jouer quelque chose de triste. J’ai compris que j’avais peut-être peur d’aller chercher certaines émotions, d’être dans un certain inconfort." De Guy Dubuc, elle dira qu’il continue toujours à être "très inspirant". De Fred Hersch, qu’il a eu sur elle l’effet d’une "douche froide", par sa "vision du trio", par le "respect de la place de chacun" au sein de ce type de formation.

Pour son premier effort, Julie Lamontagne a opté pour le trio acoustique piano-contrebasse-batterie qui connaît un réel engouement depuis la fin des années 90: "En jazz, mon premier amour fut pour le trio. Mon premier contact se fit par l’intermédiaire de la musique d’Oliver Jones et de Lorraine Desmarais. Le trio offre de l’intimité et laisse place à la créativité. Brad Mehldau a eu un grand impact en ce qui concerne la renaissance du trio. Je pense à l’approfondissement de l’utilisation des deux mains, mais aussi à la vision de l’aspect rythmique du trio, à sa dynamique." Facing the Truth fait le pont entre tradition et modernité. Denny Christianson fait remarquer avec raison comment plusieurs des pièces de l’album passent subtilement de moments empreints de lyrisme vers d’autres plus intenses, pleins d’énergie. La musicienne convient qu’il s’agit là des "deux extrêmes" de sa personnalité.

La pièce d’ouverture, Vagabonde, révèle une pianiste au jeu très lyrique, délicat, offrant tantôt des moments d’introspection, tantôt ce mouvement de marche vers l’avant de l’esprit bohème. La pièce-titre, Facing the Truth, fait entendre une main droite qui brode, trace, commente, n’hésitant pas à citer Miles. Hank Dog est animée par le caractère robuste propre au funky. Dog in Paname et Alizée attestent de la modernité de l’écriture de Lamontagne. Dave Watts (contrebasse) et Richard Erwin (batterie) forment avec la pianiste un trio fort homogène. Watts est l’un des meilleurs contrebassistes à être apparus sur la scène montréalaise de jazz depuis les dix dernières années: sonorité et précision qui rappellent George Mraz et Mark Johnson, swing à la Rufus Reid, soliste de premier plan. Erwin mériterait d’être plus connu. Il est membre d’un groupe de rock celtique, Hadrian’s Wall, et est souvent parti en tournée. "Dave et Richard sont des musiciens curieux, ouverts. Nous nous connaissons depuis un bout de temps. Nous formions tous les trois la section rythmique du Montreal Jazz Big Band." Pour terminer, Facing the Truth rassure le jazzophile sur le dynamisme de la relève. Julie Lamontagne est une pianiste avec qui il faudra désormais compter. Une pianiste est née, un trio est né!