Bori : Marche à l’ombre
Edgar Bori court toujours. Hors des voies pavées et des routes mille fois empruntées, il poursuit son chemin, croisant le succès au détour. S’il a récemment éprouvé le besoin de Changer d’air, l’artiste est néanmoins resté dans le même univers de rêves, de mots et de magie.
Loin d’être une étoile filante, Edgar Bori a passé récemment le cap de la 10e année sur la scène musicale québécoise, sans une ombre sur son parcours, si ce n’est la sienne. Son dernier spectacle, Changer d’air, qui roule quand même depuis plus d’un an, présente le Bori qu’on connaît, si on peut dire, caché derrière son personnage sans visage, et ses textes d’une percutante poésie. "Bori reste Bori, c’est certain!" assure le principal intéressé, presque étonné qu’on ait pu douter que cet aspect puisse avoir été éclipsé. C’est que lors de sa sortie en 2002, on a beaucoup répété – reproché même – la tendance franchement plus sociale, plus dure, plus crûment réaliste de l’album Changer d’air qui, comme son nom laisse deviner, tranche avec les premiers disques, jusque dans sa facture musicale, plus jazz-rock. Il était rendu là, confirme-t-il, simplement parce qu’on ne peut pas se complaire toujours dans les mêmes patrons sur mesure, et aussi par envie de s’engager plus à fond dans des sujets plus graves qui le préoccupent. On a souligné ces métamorphoses, cet autre visage de l’homme aux mille masques, mais on retrouve aussi de façon claire ce même plaisir évident de travailler les textes, de construire mot à mot l’univers de chaque chanson, cette même théâtralité. "Bori, c’est Bori, avec toutes sortes de surprises, et cet univers particulier qui appartient à l’imaginaire. J’aime créer une magie, un événement avec chaque spectacle." Bori, c’est aussi cette large place dans le spectacle laissée à l’impromptu. "Les musiciens qui sont avec moi sont extraordinaires pour ça, ils peuvent jouer n’importe quoi, affirme l’Edgar avec confiance. L’avantage, c’est qu’on peut se permettre de ne pas planifier la soirée trop d’avance." Se laisser guider par l’inspiration du moment, comme s’adapter à la salle, au public, voire aux invités spéciaux, est l’une des caractéristiques des spectacles de Bori, autant que ce mystère entourant le chanteur sur scène.
Bori parle de ses spectacles avec passion; chaque soir semble pour lui unique. "L’important, c’est la rencontre avec les gens, confiera-t-il plus d’une fois au cours de la conversation. C’est aussi la relation humaine, à long terme, qu’on installe quand on retourne souvent dans une même salle ou qu’on y reste plus d’un soir." D’ombre, mais pas de glace, insaisissable, mais pas inaccessible, Bori construit minutieusement un univers fascinant, onirique, intense et toujours généreux.
Si, paradoxalement peut-être, la scène est le lieu de l’anonymat pour le chanteur, et que les projecteurs ne servent qu’à accentuer le jeu de cache-cache, l’homme ne s’empêche pas de paraître en public, loin de là. Fort impliqué au Festival de Petite-Vallée, où il agit en tant que formateur pour les participants de la catégorie Auteur, Bori multiplie également les projets liés à sa maison de production, Les Productions de l’onde, qu’il a fondée il n’y a pas si longtemps, quelques années tout au plus. "Une chance que j’ai ma blonde, lance-t-il, comme un soupir de soulagement. Je ne suis pas tout seul là-dedans, elle en fait beaucoup!" Cette accumulation de rôles (tiens, comme sur scène!) lui prend beaucoup de temps, mais semble particulièrement lui plaire. Il faut l’entendre parler avec une franche fierté de ses protégés, ceux qu’il a découverts, qui à Petite-Vallée (comme Catherine Major), qui au hasard d’une bienheureuse rencontre (comme Sylvie Jean, à qui il fera une place toute spéciale lors de ses spectacles au Côté-Cour afin de souligner le lancement de l’album qu’ils préparent ensemble depuis plus de deux ans.)
Justement, au Côté-Cour jeudi et vendredi, il sera entouré de ses musiciens, Jean-François Groulx, Stéphane Aubin, Guy Hébert et John Salwy, un pianiste tout nouveau dans l’équipe. Au programme? Qui le sait vraiment?
Les 14 et 15 avril
Au Côté-Cour
Voir calendrier Chanson