Darryn Grandbois : Maîtriser l’inconnu
Darryn Grandbois étale sa réalité en deux langues, fièrement à cheval entre deux mentalités opposées. Autodidacte et insoumis, il fait comme bon lui semble avec une naïveté consciente et une fascination pour l’étranger.
À l’image de son pays qu’il a parcouru d’un bout à l’autre, Darryn Grandbois jongle à la fois avec les notions de bilinguisme et de dualité linguistique. Ouvertement anglophile, l’artiste défend néanmoins avec ferveur la nécessité de faire retentir sa langue natale: le français. Né à South Porcupine, en Ontario, dans un milieu bilingue et élevé en français à Ottawa, Darryn a pris beaucoup de temps avant de mettre sa plume en mode latin. Son premier album folk-rock Les Biens témoigne de cette schizophrénie musicale. Il comporte une majorité de chansons francophones, quelques titres anglophones et même une chanson bilingue. "En anglais, quand j’écris une chanson, c’est plus comme je le parle et je me laisse chanter. Même avec une cigarette dans la gueule, je peux chanter en anglais. En français, c’est plus "articule bien". C’est une rédaction que t’écris. C’est plus introspectif comme approche."
L’artiste ne se plie à aucune autre contrainte que celles qui lui viennent de lui-même. Ayant appris seul à jouer de la guitare et de la mandoline, Darryn Grandbois ne se considère pas maître en quoi que ce soit. Au contraire, il préfère jouir de sa compréhension limitée de la technique musicale pour se pousser à créer à partir de l’inconnu et de sa naïveté. "Je trouve ça le fun de ne pas savoir dans quoi je me lance. Des fois, je désaccorde ma guitare, comme ça je n’ai plus les formes des accords, juste pour réapprendre à jouer, recommencer à zéro. J’aime quand même travailler avec des musiciens qui ont un background théorique, qui peuvent me faire des critiques en même temps."
Malgré l’assurance qu’il dégage sur disque, une certaine pudeur émane du jeune auteur. Centré plus sur la composition de chansons que sur leur interprétation, Darryn prend néanmoins goût à présenter ses chansons devant le public. "Je commence à m’habituer à la scène. J’aime beaucoup jouer dans des pubs où ça fume des cigarettes, où ça jase pendant les chansons et t’es pas le centre d’attention. La musique sert à aider les autres à jaser. C’est plus mon milieu. La musique devrait servir à ouvrir les gens."
Fervent amateur de Richard Desjardins, Darryn ne cache pas son penchant écologiste, ironiquement soutenu par son nom de famille. Ayant participé au Colloque Boréal organisé par Desjardins il y a quelques années, le jeune homme a été inspiré par le vétéran après l’avoir vu en spectacle, seul avec sa guitare. Pendant plusieurs années, Darryn a entrepris des voyages annuels en Colombie-Britannique pour aller planter des arbres, ce qui lui a inspiré plusieurs chansons. "C’est une expérience de voir des forêts super belles, mais toutes "décâlissées"; c’est vraiment quelque chose." Guidé par ses convictions et son esprit de composition, Darryn Grandbois compte déjà un bassin d’autres pièces, toujours en deux langues, qui pourrait éventuellement constituer d’autres albums. Mais il n’est pas nécessaire de brûler des étapes, son premier opus vient de naître. Il ne reste qu’à voir où celui-ci le mènera.
Darryn Grandbois
Les Biens
(C-Show)